RÉACTIONS - «En Algérie, les églises font partie du patrimoine national. Quand tu arrives à Alger en bateau, depuis la mer, tu vois le monument national, et à sa droite Notre-Dame d’Afrique. Ça ne me choque pas», dit Abdelmadjid (1), enseignant à Dunkerque. Ce qui le choque, en revanche, c’est que les Suisses interdisent les minarets. «Ils n’ont pas organisé de référendum pour accepter l’argent des musulmans dans leurs banques ! Les musulmans du monde devraient retirer leurs avoirs !» Il est «déçu», veut croire que cela ne reflète pas «l’opinion profonde» des Suisses.
«Je voyais la Suisse comme un lieu d’asile pour tous, c’est un signe négatif envoyé aux musulmans, une peur infondée. Si dans ce minaret on avait prévu l’appel à la prière, je pourrais le concevoir, mais là…» Abdelmadjid espère que la France ne suivra pas. «La mosquée de Paris, c’est un bon exemple d’intégration dans l’architecture locale». Depuis les attentats du 11 septembre 2001, note-t-il, on voit «des islamistes, des fanatiques et des voiles partout».«Heureusement, les responsables chrétiens et musulmans travaillent au dialogue, ça fait tomber les non dits.»
«Déçu», un des responsables de la mosquée de Lille-Sud l’est aussi. «Je reçois des mails, des SMS, tout le monde en parle», dit Makhlouf Mamèche, secrétaire général du Conseil régional du culte musulman. «Juste au lendemain de la fête de l’Aïd, c’est pas sympa…» Il n’arrive pas à concevoir un référendum sur un tel sujet. «Imagine-t-on un référendum en Algérie pour des clochers ? Je trouve ça minable, déplacé.»
Même s’il trouve qu’une mosquée sans minaret, «ça fait plat», Habib a apprécié la réaction des musulmans «laïcs, pas fanatiques» suisses. «La majorité a dit non, il faut l’accepter. Pas de polémique. On doit tenir compte de l’autre, entrer en relation. Car ce qui est derrière tout ça, c’est la peur.» Sous la menace des islamistes, ce médecin d’origine algérienne, croyant, a dû quitter son pays. «On ne peut pas importer en Suisse un minaret au cachet d’Arabie Saoudite. Rien n’empêchait de solliciter des architectes suisses pour construire un minaret moderne, suisse à la mode suisse !» Il veut «essayer de comprendre» : Est-ce que les Suisses se disent : «Aujourd’hui, c’est un minaret, et demain c’est "Allah-ou-akbar" cinq fois par jour ?». Il aimerait qu’on se parle : «En Algérie et en Espagne, il y a des églises qui ont été transformées en mosquée, puis en église, puis en mosquée, et sur le clocher devenu minaret, on voit toutes les traces de ces histoires qui se mélangent.»
Haydée Sabéran
(1) Certains prénoms ont été modifiés.