CALAIS - Raser la «jungle» pour démanteler «l'outil de travail des filières clandestines»? Et si c'était l'inverse, le résultat? L'argumentaire anti-passeurs d'Eric Besson, ministre de l'immigration, démonté par Jean-Pierre Alaux, du Gisti, le Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés. Interview.
Eric Besson explique qu'en rasant la «jungle», il lutte contre les passeurs.
C'est exactement le contraire. Chaque fois qu'on rend plus difficile la poursuite du voyage, qu'on offre une liberté de circulation proche de zéro, outre qu'on porte atteinte à la Convention de Genève(1), on renvoie les exilés à des spécialistes du cheminement. Détruire la «jungle» renforce le pouvoir des passeurs. On les rend indispensables.
Comment ça?
C'est la logique de Chicago, de la prohibition. Les gens ont absolument besoin de franchir les frontières, même si elles sont fermées. Du coup, il y a un marché. Les voyous essaient de s'en emparer. Les migrants, eux, essaient de voyager moins cher, de se rendre indépendants des mafias. Je reviens d'une mission pour Migreurop au Maroc. Les gens apprennent à nager, s'organisent entre compatriotes, pour des prix honnêtes, sans rançonner les familles, une forme d'artisanat. Mais plus les gens sont fragiles, plus on crée les conditions de la prospérité des mafias.
A Angres, les bénévoles racontent que les migrants ont tenté cette émancipation.
La semaine dernière, des migrants vietnamiens d'Angres, attaqués par des passeurs qui les rackettaient, se sont défendus sur l'aire d'autoroute et les ont livrés à la police. Je leur conseille de demander une carte de séjour pour dénonciation de trafic d'êtres humains.
Recueilli par Haydée Sabéran
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