DECRYPTAGE, à lire et écouter - Arrestation mise en scène, victime inventée, témoignages contradictoires : retour sur l'enquête qui a précédé la condamnation de la Béthunoise Florence Cassez
Jugée coupable d’enlèvements et de port d’armes, Florence Cassez a été condamnée en deuxième instance à soixante ans de prison. La Française clame son innocence.
Quels sont ses liens avec la «bande du Zodiac» ?
Originaire du Nord de la France, Florence Cassez rejoint, au printemps 2003, son frère installé au Mexique depuis huit ans. Elle travaille dans son entreprise, avant de voler de ses propres ailes. En 2004, il lui présente un de ses amis : Israel Vallarta. La romance durera jusqu’en avril 2005, moment où leur relation bat de l’aile. En juillet, elle met fin à l’histoire et rentre en France pour chercher du travail. Ne trouvant rien, elle revient au Mexique et loge chez son «ex», au ranch de Las Chinitas dans le sud de Mexico. Elle trouve un poste de réceptionniste dans un grand hôtel du centre mi-novembre, puis déniche un appartement. Le 8 décembre, elle va récupérer ses meubles au ranch. Sur le chemin du retour, alors qu’elle est en voiture avec Israel Vallarta, ils sont arrêtés par l’Agence fédérale d’investigation (AFI). Surveillé depuis quelques mois, Vallarta est accusé d’être le chef de la «bande du Zodiac» responsable de plusieurs enlèvements.
Pourquoi a-t-elle été inculpée ?
Si son ex-compagnon est clairement mis en cause, Florence Cassez n’est pas inquiétée dans un premier temps. Elle est maintenue dans un véhicule de l’AFI pendant vingt-quatre heures, la durée nécessaire à la mise en place d’un autre scénario de l’arrestation. Le 9 décembre 2005 au matin, les Mexicains découvrent le ranch de Las Chinitas sur les deux principales chaînes du pays. Ils assistent en direct à la libération d’otages et à l’arrestation d’Israel Vallarta et d’une jeune Française, pâle et échevelée, présentés comme les membres de la bande du Zodiac. La vérité sur les conditions de l’arrestation éclate deux mois plus tard lors d’une émission de la présentatrice vedette Denise Maerker. Alors que Genaro García Luna, chef de l’AFI, commente le coup de filet du 9 décembre, Florence Cassez appelle depuis sa prison pour dénoncer le montage. Le chef de l’AFI, aujourd’hui ministre de la Sécurité publique, reconnaît alors qu’il s’agit d’une «reconstitution». C’était apparemment une opération de communication de la part d’un organisme en mal de résultats. L’avocat de Florence Cassez, Agustin Acosta, insiste : il ne s’agit pas d’une reconstitution mais d’un montage pur et simple. Pour les autorités cette entourloupe ne change rien sur le fond. La Française est inculpée de délinquance en bande organisée, d’enlèvements et de séquestrations, de port d’arme et de munitions. Même si aucune arme n’a été retrouvée dans le véhicule.
A-t-elle bénéficié d’un procès équitable ?
Jugée coupable et condamnée à quatre-vingt-seize ans de prison en première instance, en avril 2008, Florence Cassez a toujours clamé son innocence. Ses nouveaux avocats, Franck Berton et Augustin Acosta, s’appuient sur «un dossier vide et des vices de procédures» pour faire appel du jugement. Ils dénoncent, entre autres, ses conditions d’arrestation. Elle aurait dû être présentée immédiatement au parquet et non pas vingt-quatre heures après.
Sur le fond de l’affaire, ils rappellent qu’il y a eu trois personnes enlevées et non quatre et mettent en cause les témoignages des victimes. Le seul à avoir affirmé dès le départ reconnaître sa ravisseuse est Ezequiel Yadir Elizalde Flores. Il a déclaré que Florence Cassez lui avait piqué le doigt afin de l’anesthésier en menaçant de le lui couper. Mais quand il montre une cicatrice lors du procès, les experts assurent qu’il s’agit en fait d’une tache de naissance. Les deux autres victimes, Cristina Ríos Valladares et son fils âgé de 10 ans, déclarent d’abord ne pas reconnaître ni la voix ni la personne de Florence Cassez lors d’une confrontation. Leur témoignage changera peu de temps après l’intervention télévisée de la Française.
Pourquoi la condamnation réduite à soixante ans en appel ?
Le juge a eu presque un an pour étudier le dossier complété par les avocats. Il a conclu à la culpabilité de la jeune femme dans trois des quatre enlèvements - le quatrième n’ayant tout simplement pas existé - et a prononcé une sentence de soixante ans de prison et 6 400 jours-amende de travaux forcés, soit environ 239 800 euros. A trois jours de la visite présidentielle de Nicolas Sarkozy, la nouvelle est apparue comme une provocation en France.
Comment sortir de cette impasse ?
Florence Cassez a deux options. Soit demander l’amparo (équivalent du pourvoi en cassation), pour tenter d’être complètement blanchie. Mais cette décision implique de rester au moins un an de plus dans sa prison mexicaine du sud de Mexico, le centre de réhabilitation sociale de Tepepan. Soit accepter le jugement, condition sine qua non à un transfert en France d’après une convention signée entre le Mexique et le Conseil de l’Europe en 1983. Un choix qui la révolte, selon son avocat, dans la mesure où il signifie qu’elle accepte de reconnaître sa culpabilité. Mais la prisonnière est épuisée, prête à lâcher son combat pour sortir de là.
Léonore Mahieux (A Mexico)
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