SOCIÉTÉ - Ce soir, ils montent des tentes et tractent devant la mairie de Loon-Plage, à l'heure du conseil municipal. Ils demandent à la ville de ne pas «fermer les yeux» sur ce «drame humanitaire» : des migrants survivent dans des cabanes, à quelques mètres du terminal ferry vers l'Angleterre. Avec Aissa Zaibet, du Mrap,
Pourquoi monter des tentes devant la mairie de Loon-Plage ce soir?
Aissa Zaibet : Une façon d'interpeller le maire (Eric Rommel, PRG, ndlr). On interpelle aussi les maires de Téteghem et de Grande-Synthe, les deux autres communes où des migrants -autour de 300 dans le Dunkerquois- ont installé des campements. On demande aux maires d'agir, de ne pas être indifférents. C'est vrai que c'est à l'Etat de prendre ses responsabilités, mais ce n'est pas une raison de laisser mourir de faim et de froid des gens qui sont chez nous. Les migrants sont des humains, pas des bêtes.
Comment leur suggérez-vous d'agir?
D'une façon ou d'une autre, pour améliorer les conditions de vie. Ça peut être installer des bennes, des douches, des toilettes, un lieu d'accueil de jour, une présence forte pour soutenir les associations. Une aide financière, des tables rondes. On a déjà avancé avec Michel Delebarre (PS), à la Communauté urbaine. Il a déclaré être prêt à prendre en charge 50% des dépenses des associations en faveur des migrants. C'est un bon signe, après des années de silence. On souhaite que le débat soit porté au niveau politique, et on a commencé, on a rencontré sept partis de gauche et le Modem. On souhaite aussi rencontrer l'UMP.
Et l'Etat.
La balle est dans son camp. On essaie d'intervenir auprès de la Préfecture, mais ce n'est pas gagné, elle refuse la table ronde réclamée par Michel Delebvarre, et alors qu'on nous avait promis que la police cesserait de détruire les campements en période hivernale, on a vécu exactement le contraire, lundi.
Quelque 80 migrants arrêtés, et le campement détruit.
Une cinquantaine de policiers ont bouclé la zone de campement de cabanes en bois et de tentes à Loon-Plage face au terminal ferry. Environ 80 migrants ont été arrêtés et emmenés à la Police de l'air et des frontières. J'appelle ça une opération commando. Le lendemain, j'ai vu la police détruire les campements au bulldozer, avec tout le matériel de survie à l'intérieur. Tout a disparu, y compris les couvertures, les réchauds et l'argent de poche pour le pain et le lait. Ça a duré un peu plus de trois heures. Deux jours après, j'ai rencontré certains migrants, ils étaient de retour de Lille, d'où ils sont revenus par leurs propres moyens. Ils ne comprennent pas. Ils disent : «On ne fait rien de mal, pourquoi ont-ils tout détruit?» Une soixantaine sont de retour, et ont commencé à reconstruire ce campement. C'est absurde. Même si on ne s'attendait pas à un geste humanitaire de l'Etat à la veille de Noël.
Comment aidez-vous les migrants?
On leur apporte de la nourriture, des vêtements, des couvertures. On vient de leur acheter des tentes. Médecins du Monde -sept ou huit médecins généralistes de Dunkerque- passe une fois par semaine pour les soigner.
Recueilli par Haydée Sabéran
Photo prise par Aïssa Zaibet, : La destruction d'un campement de migrants à Loon-Plage, lundi 16 décembre.