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«Il n'y a pas un vote, mais des votes FN»


POLITIQUE - Jean-François Caron, maire Vert de Loos-en-Gohelle, une ville située dans le bassin minier, là où explose le vote FN, lance un appel aux politiques et à la société civile pour, dit-il, passer "au deuxième temps de la reconversion", et changer le système politique, qu'il décrit comme .

Comment analysez-vous la montée du vote Front national dans votre secteur ?

Il n'y a pas un vote, mais des votes FN. D'abord réactionnaire, l'extrême-droite historique. Ensuite, le vote sécuritaire des gens qui ont été traumatisés par une agression. Puis il y a un vote national de désespérance, sur lequel travaille Marine Le Pen. Et son premier terreau, c'est le bassin minier. Cela me fait mal aux tripes, et cela m'inquiète beaucoup de voir les plus gros scores du FN ici. Pour moi, le bassin minier, c'est un lieu de tolérance, avec 29 nationalités qui travaillaient au fond des mines.

Pourquoi êtes-vous aussi inquiet ?

Après la crise de 29, en 1933, le national-socialisme est arrivé en Allemagne par les urnes. Le Front national construit une stratégie de conquête sur des valeurs d'exclusion, complètement réactionnaires, et sur des propositions non-crédibles. Bien sûr, il y a des raisons à ce vote : au niveau mondial, avec ce sentiment qu'on n'a plus prise sur la réalité ; au niveau national, avec Sarkozy qui se met au service des puissants alors qu'il promet une République irréprochable ; au niveau local, avec un système hérité des mines qui encadre la population. Celui-ci ne tient plus une partie du territoire, soit parce que c'est une chape, soit parce qu'il y a des attitudes politiques inacceptables [allusion à la mise en examen pour détournement de fonds publics de l'ancien maire PS d'Hénin-Beaumont, ndlr].

Comment définissez-vous ce système hérité des mines ?

L'activité minière était une activité de masse, avec une très forte culture de la délégation. On déléguait son pouvoir au syndicat, au député, au maire. C'est un système de prise en charge de la population. Il y a une vrai faiblesse dans la capacité d'initiative. L'ambition est considérée comme suspecte : quand quelqu'un crée quelque chose, on se demande tout de suite qui il y a derrière, qui le contrôle. Il faut ouvrir tout ça. Le système est arrivé au bout.

Comment jugez-vous les dirigeants politiques pris dans ce système ?

Je n'ai pas à être un donneur de leçon. Caricaturer une classe politique, c'est faire le lit du Front national.  C'est pour cela que je n'ai jamais commenté les rapports de la cour des Comptes [plusieurs organismes para-publics se sont fait épinglés récemment, ndlr]. On est à la fin d'une période, et on est en train de faire le lit du néo-fascisme.

Quelles sont vos propositions ?

Il faut passer au deuxième temps de la reconversion. Il y a une crise de la représentation et de l'action. La première phase de la reconversion, cela a été le dur : la rénovation des cités minières, l'amélioration du cadre de vie, le retour de quelques entreprises pour apporter une diversité économique... Après 30 ans de cette politique-là, nous arrivons dans le temps du projet. Quel projet voulons-nous ? Et il faut redonner sa place aux habitants et aux acteurs associatifs, aux entrepreneurs, car il faut reconstruire une vision d'ensemble du développement du territoire. C'est pour cela que je vais lancer mon appel aux différents responsables politiques et aux représentants de la société civile, dans une quinzaine de jours. Car aujourd'hui, il n'y a pas d'espérance.

Recueilli par Stéphanie Maurice