SOCIETE - Sur la place de la République, à Lille, ils ont lu le manifeste de la Journée sans immigrés, puis ils ont dit ce qu'ils pensaient de "l'instrumentalisation de l'immigration" par les politiques français. Mamadou Barry, doctorant en économie à Lille 1, président de l'Association pour la mise en valeur des initiatives de la diaspora (Adiv), explique : "Vous rentrez d'une journée de boulot, vous allumez votre télé, et vous découvrez que vous faites partie de
C'est un devoir, une obligation pour notre association qui veut valoriser une vision positive de l'immigration, face à certains discours d'hommes politiques, qui ont tendance à rendre les immigrés coupables de tous les maux.
Quels discours ?
A tous ceux qui veulent faire croire que les déficits sociaux de la France sont dûs à l'immigration : ce n'est pas responsable. Une étude menée par Xavier Chojnicki, de l'université de Lille 2, menée en 2009 à la demande du ministère des affaires sociales, montre que l'immigration apporte un solde positif de 12,4 milliards à l'Etat français. C'est la différence entre les prestations sociales dont bénéficient les immigrés et ce qu'ils apportent en termes de taxes et d'impôts. Ce solde est positif. Cela permet de légitimer ce que nous soupçonnions depuis longtemps : les immigrés travaillent, les immigrés consomment.
Vous parlez également d'incohérence de ces discours politiques...
La date du 1er mars n'a pas été choisie par hasard pour cette Journée sans immigrés. C'est l'anniversaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, entré en application le 1er mars 2005. Il affirme une philosophie de l'immigration choisie, une vision utilitariste : on choisit des migrants qui vont apporter leur savoir à la construction du pays. On ne peut pas dire dans le même temps que les immigrés détruisent la France, on n'est pas cohérent dans l'argumentation. Il y a vraiment une question d'instrumentalisation : nous ne nions pas que dans notre quotidien, il y ait des problèmes liés à l'immigration, mais ces problèmes sont solubles. Quand vous avez des responsables politiques qui pointent les violences dans les banlieues, la place de l'Islam en France, les Roms pendant l'été, vous vous rendez compte qu'ils cherchent la médiatisation des problèmes plutôt que les régler.
Vous êtes arrivé de Guinée-Conakry en 2004 avec un visa étudiant. Avez-vous senti au fil des années un changement de climat en France ?
Je souffre de l'amalgame qui range tous les immigrés dans la catégorie de ceux qui ne travaillent pas, qui agressent les gens, qui profitent des minima sociaux. C'est un impact psychologique surtout, cela vous rend amer, suspicieux envers vos voisins, vous vous demandez ce qu'ils pensent. Vous rentrez chez vous après une journée de travail, vous allumez la télé, et vous découvrez que vous faites partie de ceux qui détruisent le pays. Vous ne vous sentez pas forcément à l'aise dans cette société. Il faut que les problèmes que pose l'immigration soient traités en toute responsabilité, sans stigmatiser une partie de la population. En respectant l'éthique républicaine.
Recueilli par Stéphanie Maurice