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Mediator : Irène Frachon voudrait une veille sur les effets indésirables des médicaments


SANTÉ - Depuis vendredi, et jusqu'à lundi, c'est le congrès de pneumologie de langue française. Avec, en guest star, Irène Frachon, la pneumologue brestoise qui a révélé le scandale du Mediator. Elle tenait conférence de presse, hier soir, bien encadrée par deux de ses confrères. Urgence du moment :

Elle est là, aussi blonde et souriante que sur les photos, toujours la pêche, et pas la langue dans sa poche. Même si elle essaye de se surveiller de près : elle garde un souvenir peu agréable de sa condamnation en première instance, quand le tribunal de Brest avait exigé le changement du titre de son livre, "Mediator 150 mg, combien de morts ?", en donnant raison au laboratoire Servier. Décision annulée par la cour d'appel de Rennes. Elle constate : " L'industrie du médicament, avec sa force de frappe, ses avocats, il faut l'affronter pour évoquer les bienfaits et les risques des médicaments". Irène Frachon défend les médecins qui ont prescrit du Mediator : "Dans le Vidal, rien, absolument rien ne le met dans cette classe de médicaments", les amphétaminiques, explique-t-elle, et la notice du médicament ne prévient pas des risques de valvulopathie. Cependant, elle regrette que trop souvent, elle a face à elle des victimes du Mediator, qui lui expliquent que leurs médecins "ne savent plus pourquoi ils lui ont prescrit du Mediator." Sans doute, explique-t-elle, parce qu'on renouvelle trop souvent l'ordonnance précédente sans forcément la remettre en question au regard des bénéfices et des effets secondaires que peut évoquer le patient. "Nous voyons arriver des personnes âgées à l'hôpital avec des listings effroyables de médicaments. Les patients ne font plus que ça, prendre des médicaments. Nous en gardons seulement trois ou quatre. Mais après, ils vont retrouver leur ordonnance habituelle..." Elle s'arrête, jette un coup d'oeil à ses deux confrères : "Ce n'est pas gentil, ce que je dis ?" Ils volent à son secours, et rappellent que les patients ont tendance à trouver que "plus mon ordonnance est longue, mieux ça vaut."

Irène Frachon insiste donc tout particulièrement sur la pharmacovigilance, la nécessité d'évaluer sans cesse la balance bénéfices-risques d'un médicament. Elle voudrait que les effets indésirables soient systématiquement signalés dans les hôpitaux. "Pour le Mediator, les gens de la pharmacovigilance ont regardé les risques, mais ils ont surtout oublié que le Mediator n'a aucun bénéfice", s'indigne-t-elle, occasion pour elle d'applaudir "l'excellent rapport" de l'IGAS, qui a décortiqué tous les dysfonctionnements de l'homologation du Mediator. "L'IGAS a fait une autopsie, et montré des ratés qui ne s'expliquent pas. A la fin d'une commission, la décision est prise de retirer le Mediator, la commission d'après, il n'est pas retiré. Cela serait bien de savoir ce qui s'est passé entre ces deux commissions."

Pour Irène Frachon, trois révolutions sont à mener. D'abord la transparence des procédures mais aussi des liens d'intérêt entre les différents acteurs. C'est à dire que les grands pontes devraient annoncer clairement leurs liens avec les différents laboratoires, avant de donner leur avis sur tel ou tel médicament. Ensuite, l'indépendance de la formation médicale, aujourd'hui trop souvent financée par les industriels du médicament. Enfin, la mise en place de cette culture de la veille et la réhabilitation de la pharmacovigilance.

Stéphanie Maurice