GREVE - Cela bouillonne et bouchonne dans tous les coins, à Lille ce matin. Les étudiants de Lille 3-sciences humaines, sont entrés dans la danse par un blocage : chaises empilées, jolies gardiennes armées de tracts à l'entrée. Du classique. Les autres battent la semelle dans le froid. Pendant ce temps, l'intersyndicale interprofessionnelle a bloqué le Centre régional des transports de Lesquin,
Calculs. A Lille 3, ils partent en vacances de la Toussaint demain, et tenaient à marquer le coup. Alors, la veille, à une courte majorité, ils ont voté le blocage en assemblée générale. "Il y a une détermination au niveau des étudiants", assure Damien Scali (Unef), du comité de mobilisation de Lille 3. "Les jeunes d'aujourd'hui sont les premières victimes du projet de loi sur les retraites. Très peu iront jusqu'au bout des années de cotisation, l'Unef a fait ses calculs, on va perdre 200 euros par mois. Et à court terme, c'est un million d'emplois disponibles en moins." Le blocage sera levé demain vendredi, a voté l'assemblée générale.
Dans les rangs moins militants, on n'approuve pas la forme, le blocage des portes, vraiment barbant de sécher les cours quand un partiel était prévu, ou quand un concours se profile. Mais sur le fond, on est plutôt contre la réforme des retraites."67 ans, c'est quand même beaucoup", disent Marie-Pierre et Dicko, en première année de psycho.
Intérim. Un groupe de copines, en 3e année de licence de l'éducation, ne sont pas d'accord entre elles : deux approuvent la réforme, travailler plus longtemps pour sauver la retraite leur va. Les deux autres s'insurgent. "On voit que tu n'as pas 50 ans", lance Vanessa. "Il faut laisser travailler les jeunes pour ne pas user les vieux." Laura réplique : "Un ouvrier préfère travailler deux ans de plus, pour avoir plus d'argent et mettre de côté." Vanessa : "Oui, mais quand tu décèdes avant ta retraite ? Cela les arrange bien que les ouvriers meurent, ils ont moins à payer." Le père de Laura travaille en intérim, à la chaîne. Le père de Vanessa travaillait dans le bâtiment, il est décédé d'un cancer.
Au Centre régional des transports de Lesquin, à 9h, il ne restait plus que les CRS, face à un rond-point que des jardiniers s'activaient à désherber. Les accès étaient tenus depuis six heures du matin, mais les grévistes ont été délogés : "On a chanté plusieurs fois la Marseillaise face aux CRS, le poing levé. Le symbole était fort", se réjouit Martine Debels, de l'Union départementale CGT.
Klaxons. Virés ? Ils ont filé au port fluvial à Lille. Avec embouteillage sur le début de l'A25, en direction de Dunkerque. Là aussi, blocage de rond-point, avec banderoles, fumigènes, et une majorité d'automobilistes plutôt rigolards. Des coucous sympas, des klaxons. "Ils nous disent "vous nous faites chier, mais on est avec vous". Ou alors, il faut tomber sur le jeune UMP, content de tout", sourit Fabian Tosolini, cheminot CFDT. Les policiers pointent leur nez et font circuler. Un camionneur belge solidaire s'arrête, met ses warnings, et bloque à nouveau la file. Les syndicalistes se marrent : "La Belgique est avec nous !"
Le jeu de cache-cache continue toute la journée : le mot d'ordre est simple, du côté syndical : on harcèle, sans casser. Un jeune se pointe, mégaphone à la main, et rameute les grévistes, "manifestation des étudiants cet après-midi à 14h, porte de Paris", pour une convergence des forces. Au final, le défilé a compté 700 personnes selon la préfecture, 2 000 selon l'Unef.
Stéphanie Maurice