ÉCONOMIE - L'avenir de leur boulot est toujours aussi fragile, et ils le savent tous. Alors, même si les ouvriers de la raffinerie des Flandres apprécient la victoire juridique, cet arrêt de la cour d'appel de Douai qui ordonne la reprise du raffinage, ils restent prudents, et inquiets. L'usine a redémarré aujourd'hui à 14h, pour un dégazage des installations, nettoyage nécessaire avant toute reprise du raffinage. A l'AG du matin, qui a voté la suspension du mouvement, les visages restaient tendus. Le piquet de grève a été mis "sous cocon" cet après-midi, inutilisé mais pas démonté. Manière de dire à la direction générale de Total que les anciens grévistes ne désarment pas. Témoignages d'ouvriers.
Grégory, opérateur centrale réseau, 37 ans.
"C'est sûr que cela ne va jamais redémarrer. Il n'y a plus aucun espoir. Même si on redémarre le raffinage trois jours, de toute façon, il faudra arrêter à la mi-octobre, la Dreal va l'imposer, car on n'a pas fait le grand arrêt [obligatoire pour renouveller l'autorisation d'exploitation, qui expire le 23 octobre pour Total Dunkerque]. Ce qui est positif, c'est qu'on s'est bien battu, qu'on ne s'est pas laissé faire. Je ne sais pas si la décision de justice fera jurisprudence pour d'autres usines."
Mohamed, depuis quatre ans chez Total Dunkerque
"Techniquement, c'est impossible de redémarrer le raffinage, ils le savent très bien. Sans grand arrêt, c'est impossible. Il était prévu au mois de mars, il y avait des gens qui le préparaient depuis deux ans, et ils ont tout annulé. Ils avaient déjà dépensé 80 millions d'euros sur les 100 millions prévus. 80 millions gâchés. A 20 millions près, on faisait le grand arrêt, et on prenait le temps de voir l'avenir du site. On n'a pas compris cette décision. On aurait eu le temps de mettre un projet viable en place, pas ce qu'ils nous proposent, le centre de formation et d'assistance technique. C'est difficile maintenant de faire confiance à une boutique qui vous prend pour des numéros. On n'a pas besoin de vous, on ferme."
Jean-Pierre, agent prévention, depuis 27 ans chez Total Dunkerque
"Il faut rester très vigilant. Quand on regarde les documents remis au dernier CE extraordinaire, il n'y a absolument aucune référence à un redémarrage du raffinage. Ils parlent du dégazage et de la remise en état, mais pas du raffinage. On entre, on dégaze, pour eux, c'est tout bénéfice, ils ont besoin de dégazer pour fermer le site. C'est pour cela qu'on voudrait leur donner un ultimatum de 72 heures, pour qu'ils nous fixent une date de redémarrage de l'activité. Est-ce que l'usine va reprendre ? Il y a quinze jours, je vous aurais dit non. Aujourd'hui, avec la décision de justice, tout est possible. C'est une chance pour qu'ils revoient leur copie sur la reconversion de la raffinerie. Le raffinage, on sait bien que ce n’est pas l’avenir. Il faudrait reprendre l'activité un an et demi, le temps de trouver des solutions industrielles pour le site. »
Recueilli par Stéphanie Maurice