FOOT- A Lille, il y a plus de monde en terrasse au soleil que devant les télés. «Il joue quand même, Ribéry ?» Le patron, derrière son bar, est laconique. Ici, c'est un public de femmes qui est venu suivre le match. En face, une agence immobilière affiche le drapeau tricolore, c'est bien la seule. On regarde avec soin la Marseillaise, pour savoir qui joue, et qui chante. « Lui, il machônne, allez, fais un effort. » Evra, remplacé par Alou Diarra, n'est pas regretté : « On n'a jamais eu un
Première action devant les filets de Lloris. « But », se marre jaune une téléspectatrice. Arrêt du gardien bleu : « Bien, heureusement qu'il est là, lui. » On voit bien les épargnés du désamour : Gourcuff, Lloris. Une dame du quartier vient boire son café, demande des nouvelles, un but, peut-être ?« Ils en ont mis un il y a longtemps, en Irlande, avec la main. », lui répond son voisin de comptoir. « Ils ont marqué un but ? », demande la patronne, qui sert en terrasse. « Ouaaais, ça va, elle se moque », maugréent les quelques supporters. La dame : « Vous ne connaissez pas le fromage, le Bleu Domenech ? Il est bon. » « C'est devenu la boulette d'Avesnes », rétorque une supportrice aux lunettes noires. La boulette d'Avesnes, c'est une pâte molle à base de Maroilles, puante, il faut bien le dire.
20e minute. But des Bafana Bafana. Consternation. Sans un mot. Une autre supportrice arrive : « Alors, ils prennent une tôle ? Yes ! C'est pas au dernier match qu'on joue bien.»
Carton rouge contre Gourcuff. Consternation. « Un jaune d'accord, mais un rouge ? » Une spectatrice abandonne la partie.
Le festival continuant, le moral descend. « L'Afrique du Sud a mis un deuxième but ? Ooooh », s'intéresse et s'attriste la dame, avant de payer. Un monsieur arrive : on lui annonce le score, et l'expulsion. Il hausse les épaules. « A dix ou à douze, ce serait la même chose. Je crois qu'en ce moment, ils pourraient se faire battre par le Luxembourg.» Ceux qui viennent acheter des cigarettes jettent un coup d'oeil, et partent.
« Pendant France-Mexique, ils expliquaient que les trois salaires de Ribéry, Thierry et Anelka représentaient tous les salaires de l'équipe du Mexique. » La mi-temps se passe et on se repasse les motifs d'indignation. « Vous avez entendu Ribery ? Il parlait comme un babache ! » Une copine coupe : « On lui demande pas d'avoir deux neurones, on lui demande de jouer au foot. »
Deuxième mi-temps. « Ils touchent pas un ballon, les Français », s'énerve un supporter nouvellement arrivé. « Ils vont faire arriver l'avion des Bleus sur un terrain militaire, à Villacoublay, tellement ils vont avoir peur », ricane le comptoir. Le but français arrive. "Enfin", souffle-t-on. Une passionnée : "Vous avez remarqué ? On n'a même pas applaudi."
Stéphanie Maurice