SOCIÉTÉ - Depuis près de deux ans, un campement de Roms de Roumanie s'était installé sur un terrain, à Wimille, près de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), avec l'accord du sous-préfet de l'époque. La semaine dernière, tous les hommes, puis toutes les femmes ont été arrêtés et sont ressortis de la Police aux frontières de Coquelles et du commissariat de Boulogne avec une OQTF (Obligation à quitter le territoire). Ils sont 42 et ont un mois pour partir. La ligue des droits de l'homme dénonce une expulsion collective et organise demain un rassemblement à 11h devant la sous-préfecture de Boulogne.
Ils viennent tous du même village, à 60 kilomètres de Bucarest. "Entre 2004 et 2006, il y a eu des crues du Danube, et des inondations. Leurs maisons en terre ont été détruites. Ils entendent que les frontières de l'Europe vont s'ouvrir pour les Roumains en janvier 2007, ils décident de partir", raconte Jeadette Vaillant, présidente de la Ligue des droits de l'Homme à Boulogne-sur-Mer. La Roumanie intègre en effet à cette date l'Union européenne.
Les Roms décident de poser leurs valises à Boulogne, s'installent dans les anciens abattoirs de la ville, un squatt dont ils sont expulsés en mars 2007. Ensuite, ils valsent de terrain en terrain, au gré des expulsions. Ils n'ont pas de caravanes, sont venus en bus, ou avec leur voiture. La Ligue des droits de l'homme, avec l'aide d'une association catholique, Wimereux Partage, leur achètent des tentes, pour se protéger de la pluie et du froid. Les Roms de Roumanie ont été sédentarisés par le régime communiste de Ceaucescu : ils ne sont pas à confondre avec les gens du voyage, qui sont français, et itinérants. Ce qui veut dire qu'ils n'ont pas accès aux aires des gens du voyage.
Finalement, une solution est trouvée : "En juin 2008, le sous-préfet de l'époque, M. Malherbe, les installe sur un terrain d'Etat à Wimille,un terrain qui appartient à la direction interdépartementale des routes. C'est un délaissé d'autoroute, juste avant la voie d'accès à l'A16. A 2,5 kilomètres d'une école, ce qui ouvre la possibilité de scolariser les enfants", se souvient Jeadette Vaillant. Une mise à l'abri dont se félicitent les associations, même si le terrain n'est pas idéal, boueux en hiver. Des démarches d'intégration se mettent en place : treize élèves suivent ainsi cette année les cours de l'école primaire. Mais le sous-préfet change, et la politique menée envers les Roms aussi.
Lundi 29 mars, une opération policière a été menée sur le campement : tous les hommes ont été emmenés dans les locaux de la Police aux frontières de Coquelles. Les 22 en sont ressortis avec une OQTF. Le lendemain, cela a été le tour des femmes : emmenées au commissariat de Boulogne-sur-Mer, relâchées avec la même Obligation à quitter le territoire sous un mois. "Ils occupent illégalement un terrain", explique la sous-préfecture de Boulogne. Occupation illégale ? Mais n'est-ce pas avec l'accord du sous-préfet de l'époque qu'ils y sont installés ? "Il les a laissés s'installer là, car ce terrain s'est révélé comme le moins mauvais dans un premier temps", répond-on. La ligue des droits de l'Homme considère que les mesures d'expulsion concernant les Roms de Wimille s'apparentent à un renvoi groupé, ce qui est illégal aux yeux de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.Ce que conteste la sous-préfecture, qui affirme que chaque cas a été étudié individuellement, dans le cadre du droit des étrangers.
Elle rappelle que si "en tant qu'Européens, les Roms ont tout à fait droit à la libre circulation au sein de l'Union européenne, ils n'ont pas forcément vocation à s'installer. L'installation est limitée à trois mois, sauf à justifier de revenus suffisants." Sinon, la circulaire considère qu'ils seraient "une charge déraisonnable pour le système d'assistance français". Ce qui n'est pas le cas des Roms de Wimille, qui vivent de la mendicité. Leur accès au monde du travail est de toute façon limité, puisqu'ils ne peuvent postuler qu'à des emplois "sous tension", où il y a un besoin de main d'oeuvre. C'est une restriction temporaire appliquée à tous les citoyens des nouveaux entrants dans l'Union européenne. "On leur reproche de ne pas avoir de revenus, mais par exemple dans le bâtiment, où ils pourraient travailler, on demande des chefs de chantier.", s'indigne Jeadette Vaillant. Un métier inaccessible pour eux. Quant à l'argument qu'ils seraient à la charge de l'Etat français, Jeadette Vaillant dément : "Ils n'ont pas touché le moindre centime de qui que ce soit. Pas la moinde aide. lls n'ont rien coûté à la société française."