La métropole lilloise veut limiter sa taille, pour éviter de grignoter les terrains agricoles alentours. Sans pour autant limiter sa croissance. La solution préconisée ? La ville intense, concept urbanistique récent que décode Nathan Starkman, directeur général de l'agence d'urbanisme de Lille Métropole.
La ville dense est liée à deux grands thèmes, la lutte contre l'étalement urbain car en faisant dense on économise l'espace ; la réduction des déplacements. Cela fait longtemps qu'on en parle : on avançait des arguments économiques, moins d'équipements, moins de distances à parcourir, moins de temps dépensé. Mais la densité fait peur. Dans le glissement vers l'intensité, il y a d'abord une différence purement sémantique. Il y a aussi d'autres raisons : la densité, ce n'est pas tout. La ville intense, c'est une ville plus compacte, une ville des courtes distances, où il y a une proximité des services, des commerces par exemple. Elle met aussi en place un partage des transports plus équilibré, avec de la place pour le trafic piéton, cycliste, pour le transport public et donc beaucoup moins de voitures apparentes
C'est une ville mixte, la ville intense ?
Il y a une mixité fonctionnelle, logements, services et emplois dans le même quartier. Mais je pense que cela a des limites. On est parfois dans le monde des Bisounours quand on est dans le monde des urbanistes. Je crois qu'il y a des fonctions économiques qui se marient mal avec la ville compacte. Si on veut fabriquer une métropole qui compte dans la concurrence économique européenne, il faut des regroupements économiques.
Et la mixité sociale ?
Il faut essayer de la faire. Les sociologues disent que les gens veulent être entre soi. C'est une volonté de se regrouper, de créer des noyaux spatiaux homogènes. Mais il faut absolument agir, car sinon on accepte des concentrations de problèmes.
La ville intense est tout de même une ville dense...
Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'à densité donnée, il y a toute une gamme de formes possibles. Regardez l'opération Maisons en ville. Les promoteurs nous disaient, 'on veut bien faire 40 logements à l'hectare mais pas plus, car sinon on ne vendra pas'. La communauté urbaine avait alors pris une position assez raide, en disant, à ce niveau, ça ne nous intéresse pas. Finalement, ils ont réalisé 80 logements à l'hectare et ils les ont tous vendus. Quand vous voyez que les lotissements à la périphérie de la métropole sont à moins de 20 logements à l'hectare, vous vous dites qu'il y a des marges de progrès considérables. C'est vrai qu'il y a des étapes psychologiques à passer. Il faut accepter par exemple la mitoyenneté. Il paraît que les gens veulent avoir une maison avec du vide autour.
Quelles sont les densités à Lille ?
Sur les dernières années, elles sont de 90 logements à l'hectare.
Pourquoi a-t-on peur de la densité urbaine ?
Parce qu'on a tout de suite l'image des grands ensembles sociaux et périphériques. Ce qui est une erreur, car ils sont peu denses et très dilatés.Des barres séparées par de grands espaces verts. Par contre, le XVIe arrondissement parisien haussmannien est très dense, mais il ne fait pas fuir. La densité est acceptée s'il y a de la qualité. S'il y a eu un travail sur la vue, où on arrive à ce que les maisons ne se regardent pas, pour éviter l'impression de promiscuité. S'il y a des annexes, comme des balcons, des cours, des jardins. Si les espaces extérieurs et publics sont soignés. La localisation joue également : vous acceptez une densité supérieure quand vous avez les services urbains à disposition. Pouvoir aller au cinéma en dix minutes, par exemple.
Quels sont les outils que la communauté urbaine de Lille a à sa disposition pour mettre en place cette ville intense, qui ne grignotera pas les champs voisins ?
Il devrait y avoir la mise en place de seuils de densité, 35 logements à l'hectare, dans le futur Scot (Schéma de cohérence territoriale). On devrait pouvoir rendre cela obligatoire.
Recueilli par S.M.