SANTÉ - Le Dr Pierre Paresys, psychiatre à l'EPSM des Flandres, a été démis de ses fonctions de médecin-chef par le directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH). Une sanction hiérarchique parce que le bilan quinquennal présenté par le médecin est «un réquisitoire contre l'Agence régionale de l'hospitalisation et la direction de l'établissement», selon l'arrêté de l'Agence. L'intéressé a saisi le tribunal administratif. Il persiste à contester les logiques de rentabilité et affirme son droit à la prise de parole. L'Agence ne souhaite pas s'exprimer sur le sujet.
De défendre la politique de secteur, et de vouloir des moyens suffisants pour l'accès aux soins pour tous et partout. Voilà que le code déontologique devient révolutionnaire.
Plus précisément ?
Nous avions signé une convention avec la polyclinique de Grande-Synthe pour ouvrir une unité de soins psychiatriques. Ouvrir un hôpital de proximité me paraissait justifié. L'ARH y est opposée. Pourtant, c'est important pour nous de s'inclure dans une structure banalisée, pour faciliter l'accès aux soins, mais aussi pour assurer leur continuité. Ce travail de décentralisation de la politique de secteur faisait que les gens venaient assez facilement. Sur notre secteur de Grande-Synthe, nous accueillons 1 800 personnes par an, dont 700 à 800 nouveaux cas. Aujourd'hui, l'EPSM des Flandres travaille sur deux sites dans le
Dunkerquois, Grande-Synthe et Capelle la Grande. On veut nous regrouper
sur Capelle la Grande, pour concentrer les moyens et faire des économies. Quand on voit la structuration des transports
publics dans la communauté urbaine, cela veut dire que des patients ne
viendront plus jusqu'à nous.
Vous dénoncez une casse de la politique de secteur...
Une politique de secteur, c'est se donner les moyens de soigner une population sur un espace donné, en assurant une continuité dans le
temps et dans l'équipe, et en traitant l'individu dans sa globalité. Assurer une politique de secteur, cela veut dire donner un budget global à une équipe. Or, aujourd'hui, nous sommes dans une logique du chiffre. La psychiatrie n'est pas encore soumis à la tarification à l'acte, et heureusement, car pour nous, le non-acte peut être plus important que l'acte. Par exemple, le temps que je passe à discuter avec les chefs de service de la polyclinique de Grande-Synthe est au bénéfice des patients.Ce partage assure la cohésion d'une équipe autour du patient. Mais la logique, c'est privilégier les pathologies rentables.Un exemple : la chambre d'isolement est plus chère en tarif de jour ;
on pourra encourager la mise en chambre d'isolement. Ou réduire la
demi-heure de consultation à un quart d'heure. Mais c'est comme cela
qu'on fabrique de la violence, avec du personnel fatigué et des
patients mal reçus.
Votre autre inquiétude majeure concerne la liberté de parole au sein de l'hôpital...
Ce qui m'arrive est assez symptomatique. La loi Bachelot supprime tout espace de débat. Elle transforme le directeur en super chef comptable, avec une simple lettre de mission, strictement financière, qui ne se réfère pas au contexte de terrain. La comptabilité des hôpitaux, c'est Bercy, les orientations hospitalières, c'est Bercy.
Recueilli par S.M.