POLITIQUE - Ils se disent «débordés», leurs répondeurs «pleins de messages». Ils expliquent que le nombre d’inscrits à leurs galettes des rois, dans toute la région ce week-end, a «doublé». A Hénin-Beaumont, fief de Marine Le Pen, les militants requinqués misent sur un sursaut du FN aux régionales, en partie à la suite du débat sur «l'identité nationale».
Dehors, il neige. Au chaud, dans le local de campagne du FN à Hénin-Beaumont (Pas de Calais), quartier général de Marine Le Pen, Brigitte, secrétaire, Claudine, commerciale, et Geneviève, femme au foyer, plient des tracts destinés aux électeurs de Calais, sur les «immigrés clandestins».
Les militantes plient, Steeve Briois, ancienne tête de liste FN à Hénin-Beaumont, aux côtés de Marine Le Pen, fait le point sur les chèques, les bouteilles de cidre, le covoiturage : «Bernard, ils viennent à quatre, eux, ils viennent pour adhérer, ils ont le coupon-réponse.» Il ajoute : «On est embêté, on a 350 inscrits à Hénin-Beaumont, la salle est prévue pour 330.» Ils s’avouent surpris. «A deux mois de la campagne, on se croirait à une semaine», dit Bruno Bilde, chargé de communication pour les régionales. Steeve Briois, à un militant : «Hier le fils d’un ancien adjoint coco a pris sa carte.»
Explications ? D’abord, «l’échec de Sarkozy, le président du pouvoir d’achat». Ensuite, «le débat sur l’identité nationale, qui a libéré la parole». «Ils ont fait la pire des conneries en lançant le débat, ils se sont tiré une balle dans le pied», jubile Steeve Briois. «Ils ont voulu refaire le coup de 2007, prendre des voix au Front national en venant sur son terrain, mais à l’époque, Sarkozy représentait une rupture. À présent, son handicap, c’est les deux ans et demi de pouvoir pendant lesquels il n’a rien fait.»
Bruno Bilde, responsable de la communication de la campagne régionale de Marine Le Pen : «tout a commencé avec l’affaire Frédéric Mitterrand, quand Marine Le Pen a réagi. Sarko s’est dit "Le FN peut remonter, il faut faire un truc". Il a voulu refaire le coup marketing de 2007, sauf que le débat leur échappe.»
Dès le premier jour, rappelle Bruno Bilde, «un maire UMP a tenu des propos litigieux…», dans un débat à Verdun. Eric Dillies, prof de maths et ancien conseiller régional, le coupe : «Oui, mais enfin, c’est ce qu’on entend partout dans les rues, quand même ! Ça fait 20 ans qu’on met le couvercle, au nom de la lutte contre le racisme. Maintenant la parole est libérée, ils n’arrivent plus à l’arrêter. On a ouvert la boîte de Pandore.»
Pourtant les débats n’étaient pas tous pleins à craquer. A Arras, ils étaient trente dans la salle. Christopher Szczurek, étudiant en droit à Lille, pense que les gens fuient «les lieux officiels, ils débattent sur le net, sur Facebook, sur Fdesouche, assez proche de nos idées». Il assure que les jeunes arrivent. «Plus seulement les prolos, mais aussi les jeunes étudiants, fils de prolos», comme lui. Il soupçonne les socialistes de réclamer le droit de vote pour les étrangers, «parce que les prolos ne votent plus pour eux».
Brigitte ne parle pas des étrangers, juste des gens qu’elle croise. «Ils se sentent oubliés, choqués. J’ai récupéré un adhérent, il est au chômage, il a perdu sa filleule. A cause du décès, il a tardé à répondre aux courriers de Pôle Emploi. Ils l’ont radié. Il a adhéré.»
Steeve Briois affirme «Il y a une cassure entre le peuple et les élites. Les forces de l’ordre emmerdent les gens pour des dépassements de vitesse, mais les crapules qui brûlent des voitures, on les envoie aux sports d’hiver.»
Brigitte évoque les gens «à qui on refuse l’épicerie solidaire parce qu’ils dépassent le plafond de ressources de presque rien, les retraités qui doivent choisir entre se nourrir et payer leurs médicaments». Geneviève, après deux ans d’allocation veuvage dit n’avoir «plus rien à part le RSA». Claudine a «fait dix adhésions» dans le Valenciennois après un tract sur un braquage.
Selon Bruno Bilde, le FN serait entre 16 et 17,5% dans la région. Aux Européennes de juin 2009, près de 13% dans le Pas-de-Calais, et autour de 9% dans le Nord.
Le débat sur l’identité nationale ? «On devait y aller ce soir à Liévin, ça a été annulé», dit Brigitte. Cette petite-fille de Polonais a épousé un Français d’origine polonaise : «Il a choisi la France à sa majorité, il a été officier de réserve. Il dit toujours "je n’ai pas la carte de séjour, j’ai la carte d’identité" La dernière fois qu’il a dû la faire renouveler, à la préfecture, ils lui ont demandé de prouver sa nationalité. Il était furax». Le mari de Geneviève, d’origine polonaise aussi, a eu le même problème. «Impossible de retrouver le certificat de naturalisation. Il se voyait avec pas de renouvellement». Elle n’a pas dit sans-papiers, mais presque.
Haydée Sabéran
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