POLITIQUE - Au PS, les esprits s’échauffent à quelques jours du congrès de Reims. Le patron de la fédération du Pas-de-Calais s’affranchit des règles nationales dans une circulaire sur les modalités de vote.
Jeudi, environ 230 000 militants socialistes sont invités à départager les six motions concurrentes en vue du congrès de Reims, mi-novembre. Un scrutin sous haute surveillance, dont le déroulement a été encadré par une circulaire de la rue de Solférino afin d’éviter tout soupçon de fraude et toute contestation. C’est mal parti. Un premier pataquès est en train de secouer les états majors socialistes.
Dans un courrier aux secrétaires de section daté du 28 octobre que Libération s’est procuré, Serge Janquin, patron de la puissante fédération du Pas-de-Calais et partisan de Martine Aubry, détaille les modalités du scrutin : «Chers camarades, vous venez d’être destinataire du fichier national [Rosam, ndlr] pour votre section qui sert de liste d’émargement au vote du 6 novembre ; certains d’entre vous se sont inquiétés de distorsions qu’ils constatent entre le fichier national et celui qu’ils ont tenu à jour pour leur section. […] Nous te faisons entière confiance afin d’organiser au mieux ce scrutin. Si tu le souhaites, tu peux faire voter les militants à jour de cotisation mais qui ne figurent pas sur Rosam en les faisant émarger sur le listing de la section.» Or la règle édictée par la direction du PS est claire : ne peuvent voter que les militants inscrits sur le listing national Rosam.
Ecuries.«Janquin a été pris la main dans le pot de confiture. Il laisse ses secrétaires de section utiliser leurs fichiers locaux. Une veille pratique illégale, cette fois confirmée noir sur blanc», accuse-t-on dans les écuries rivales de celle de Martine Aubry. Jean-Christophe Cambadélis, soutien de la maire de Lille, a démenti vendredi toute mauvaise intention : «C’est de l’intox. Quel intérêt de prendre le risque de faire invalider le vote du Pas-de-Calais pour une centaine de voix ? Ils sont jaloux, car dans un parti troublé par la crise, entre Hamon qui est trop à gauche et Delanoë qui est trop à droite, Martine engrange. On a 11 500 signatures, contre 10 000 pour Ségolène et 5 000 pour Bertrand.»
Vendredi, l’affaire faisait pourtant des vagues en interne. «Hollande et Delanoë sont sur le coup. Ils poussent pour que tous les premiers signataires des motions envoient un courrier à Janquin pour lui demander de corriger le tir», racontait l’entourage d’un ténor. Ce rappel à l’ordre voulu par l’actuel premier secrétaire du PS vise à étouffer la polémique. Et calmer le jeu entre partisans de Martine Aubry, Bertrand Delanoë, Benoît Hamon et Ségolène Royal. «Comme aucun d’eux ne sera majoritaire, ils s’épient les uns les autres. Espérons que cela servira à en finir avec la triche dans le parti», lâchait vendredi un responsable. La semaine dernière, Bertrand Delanoë émettait sur France 2 des doutes sur la liberté des militants des Bouches-du-Rhône qui voteraient, comme un seul homme, pour Ségolène Royal, la candidate de Jean-Noël Guérini, l’homme fort du PS dans le département.
«Fer». Chez Benoît Hamon, on ne cachait pas une crainte de triche : «Si Benoît fait deux à trois points de moins dans les grandes fédérations que sa moyenne nationale, il portera le fer.» Aïe, aïe, aïe.
Matthieu Écoiffier