EMPLOI - Pour la première fois, touchée au coeur : 151 licenciements, sur 672, sont programmés au siège même de La Redoute, à Roubaix. C'est un symbole qui tombe, «un vrai traumatisme», témoignait hier Maria Pi, déléguée syndicale Sud. Le maire de Roubaix, René Vandierendonck, s'avoue «désagréablement surpris». Il savait qu'un plan social était dans l'air, mais ne s'attendait pas à cette ampleur.«Je pense que les contextes français et international ont précipité voire même amplifié le mouvement», affirme-t-il. Ce que dément le porte-parole de Redcats, la maison mère de La Redoute : «Ce projet n'est pas conjoncturel, mais structurel. Il veut asseoir le leadership de La Redoute sur Internet et assurer la pérennité de l'emploi et des activités.»
Au siège, au lendemain de l'annonce, l'ambiance était celle des sales jours, raconte Maria Pi. «Les gens disaient qu'ils n'avaient pas su dormir, d'autres pleuraient. Et les plus fragilisés par les cadences, par le rendement, vont tomber en dépression, c'est sûr.» Le pire, dit-elle, c'est que beaucoup estiment que ce n'est qu'un premier choc : «Les gens sont persuadés que ce n'est qu'un début, qu'un autre plan social va arriver.» Redcats maintient un black-out sur les chiffres, reconnaît juste du bout des lèvres qu'«au 30 juin, La Redoute a constaté une perte sur les six premiers mois de l'année.» Le maire de Roubaix évoque, lui, une baisse de 7% du chiffre d'affaires sur les 12 derniers mois. Jean-Christophe Leroy, délégué CGT, se révolte contre «ces chiffres alarmistes.» Il explique : «En avril, nous avons eu une lutte d'un mois sur les salaires, qui a perturbé l'activité et a fait reculé le chiffre d'affaires de 25%.» La baisse de 7% -non-confirmée par Redcats-, serait donc à replacer dans ce contexte. «Dans les ateliers, il n'y a pas eu de rupture de charge, il y a eu une lègère baisse d'activité, qu'on ne conteste pas», note-t-il.
En dehors des effets conjoncturels, baisse du pouvoir d'achat et grève d'avril, le plan social affiche clairement sa volonté de couper les branches qui ne sont plus adaptées à la nouvelle donne Internet. Aujourd'hui, La Redoute fait 55% de son chiffre d'affaires sur le web, et est le premier site marchand sur le net en France. Et la tendance s'accentue. Le groupe a donc choisi de fermer le service courrier, et de l'externaliser en le confiant à des sous-traitants. 91 personnes sont concernées, à qui on proposerait de se reclasser chez les sous-traitants, «avec des contrats repris tels quels», espère René Vandierendonck, le maire de Roubaix. Fermeture aussi, échelonnée sur quatre ans, pour les 81 Rendez-vous catalogue et shopping, points d'accueil clientèle disséminés dans toute la France. Là, 430 conseillères de vente aident la clientèle à remplir leurs bons de commande. Maintenant, les clientes le font sur Internet, explique Redcats. Sous-entendu, elles sont devenues de moins en moins utiles.
Ce plan social n'est pas le premier que connaît La Redoute : depuis 2000, 1300 personnes ont déjà été licenciées, selon les syndicats. Redcats refuse de confirmer le chiffre. «Cette réorganisation ne date pas d'aujourd'hui», assène Jean-Christophe Leroy, de la CGT. «Avec ce plan de licenciement de 672 personnes, c'est un tiers de l'effectif en moins depuis une dizaine d'années. La pilule ne passe pas, on profite de la conjoncture pour licencier et maintenir un profit important.» Analyse partagée par Maria Pi, à Sud, qui espère qu'une intersyndicale va naître, pour opposer un front uni à la direction. Prochaine date importante, le comité d'entreprise des 28 et 29 octobre, où les modalités du plan social vont être discutées. En attendant, à Roubaix, on croise les doigts en espérant que d'autres plans sociaux ne s'annoncent pas. René Vandierendonck soupire : «On sait que les mêmes problèmes [développement d'Internet, baisse du pouvoir d'achat ndlr] sont en examen aux Trois Suisses, l'autre grande enseigne du secteur.» Elle aussi roubaisienne.
Stéphanie Maurice