INTERVIEW - Après la tornade, la visite à Matignon. Les maires d'Hautmont, Maubeuge, Neuf-Mesnil et Boussières sur Sambre rencontrent François Fillon en fin d'après-midi. Ce qu'ils veulent? Un effort national pour reconstruire vite sur un territoire fragile. Rémi Pauvros, maire de Maubeuge, la deuxième ville la plus touchée, s'explique.
Que demandez-vous à François Fillon?
De pouvoir intervenir à la place des propriétaires privés qui
n'auraient pas les moyens de reconstruire leur maison. Il y a des
personnes âgées, ou en difficulté, qui, même assurées, ne pourront pas
reconstruire, car toutes les assurances n'ont pas prévu la
reconstruction à neuf. Pour reconstruire ces logements,
nous demandons à l'Etat de pouvoir appliquer une procédure
exceptionnelle, appelée le bail à reconstruction ou le bail à
réhabilitation. Elle existe, elle est applicable en cas d'habitat
indigne : l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (Anah) permet
de subventionner 70% des travaux non-pris en charge par l'assurance. La
collectivité, Etat et communauté d'agglomération peuvent suppléer pour
le reste.
Combien de foyers sont concernés?
Difficile de savoir. Nous ne savons pas encore qui est intéressé. A
Maubeuge, 1066 logements sont touchés par la tornade, c'est à dire 3057
personnes. J'ai déjà pris 34 arrêtés de péril, pour des logements
inhabitables.
Et pour ceux qui ne sont pas assurés?
Christine Boutin, ministre du Logement, a dit «On ne les laissera pas
tomber». bien sûr il ne s'agit pas d'encourager les gens à ne pas
s'assurer, ni de tout attendre de l'Etat. Mais on ne peut pas leur dire
«c'est fini».
Ça coûtera combien?
On pense que deux à quatre millions d'euros seront nécessaires. Nous
demandons à l'Etat de prendre sa part. Nous souhaitons reconstruire
rapidement, d'ici un an pour la plus grosse partie. Nous comptons sur
la mobilisation des entreprises du bâtiment, et l'Etat doit donner le
maximum.
Vous allez aussi lui parler des bâtiments publics détruits.
Ils sont nombreux à Maubeuge. On parle plus d'Hautmont, et c'est
normal, car il y a eu des décès et des blessés. Mais la tornade a
traversé la ville de Maubeuge, et la liste des bâtiments touchés est
longue, salle des fêtes, cuisine centrale, hôpital, maison de retraite,
stade, une vingtaine en tout. Au total, c'est 21 millions d'euros de
dégâts, dont 16 couverts par les assurances. J'attends la solidarité
nationale. Je suis également inquiet pour l'hôpital. Cinquante lits ne
fonctionnent plus. Or, avec la tarification à l'activité, c'est un
déficit des recettes de 4,7 millions. Comment fait-on pour s'occuper
des malades, et assurer l'équilibre financier de l'hôpital?
Vous demandez aussi de l'aide pour vos arbres.
C'est une autre demande, particulière à Maubeuge. Nous avons perdu 2000
arbres. Or, la ville avait changé d'aspect, avec des parcs, les
jardins, ses fortifications. Les arbres ne sont pas couverts par les
assurances. D'ici un an, nous devons avoir assuré la reconquête des
paysages. Là aussi, nous avons besoin d'une aide stratégique de l'Etat.
Vous réclamez une solidarité nationale d'autant plus forte que votre secteur est un des plus pauvres de France?
J'attends des actes forts. Parce qu'un événement pareil dans des
familles fragiles, c'est encore plus difficile. A Maubeuge, 63% des
habitants de paient pas l'impôt sur le revenu, et le chômage atteint
20%. Mais je préfère insister sur le fait que nous sommes en train de
redresser la tête. La tornade arrive là-dessus. Alors on se bat, et on
veut reconstruire avec du beau. On ne va pas se satisfaire du réparé
vite fait. Ici, peut-être plus qu'ailleurs, on a le droit d'avoir du
beau.
Recueilli par Haydée Sabéran