Actualisation 16h30
SOCIETE- Moins de trente heures après la tornade, les habitants d’Hautmont ont le sentiment d’être livrés à eux-mêmes. La rue du Vélodrome, située dans le quartier nord de la ville, particulièrement dévasté, ressemble à un champ de bataille. Les habitants, rentrés pour certains précipitamment de vacances, sont sur les lieux. Seuls, ou avec des amis, ils essaient de sauver des biens personnels. «Personne — aucun service de l’Etat — n’est là pour nous aider» se lamente une sinistrée. Au désespoir d’avoir tout perdu s’ajoute la colère d’être «abandonné».
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Les 200 pompiers, mobilisés dans la nuit de dimanche à lundi, ont
pour la plupart quitté les lieux. La préfecture du Nord précise qu’«une
quinzaine de pompiers sont toujours dans les quartiers les plus touchés
pour encadrer les sinistrés qui souhaitent récupérer des objets dans
les décombres.» Et d’ajouter, comme pour se justifier: «Les
pompiers ne sont pas une entreprise de BTP, ils ne sont pas là pour
déblayer. Leur travail, c’est de porter les premiers secours aux
personnes.»
Ce matin, la cellule de crise — réunissant forces de l’ordre, médecins, et les municipalités concernées — a été mise en veille. «Elle sera réactivée en cas de besoin »
assure la préfecture. A la place, le sous-préfet opte pour une «gestion
de proximité ». Une réunion cet après-midi devait rassembler les
services de l’Etat pour établir un état des lieux précis sur le
logement.
La nuit dernière, seules deux personnes ont dormi au centre d’accueil d’urgence, mis en place dans le centre culturel d’Hautmont. «Les sinistrés ont dormi chez des amis ou la famille. Mais cette solution est provisoire, il faut penser à une autre solution, sur le moyen terme» explique t-on à la préfecture.
Si les services de l’Etat se targuent de maintenir un dispositif d’aide efficace, le ressenti sur le terrain est très différent. En état de choc, la plupart des sinistrés restent près des décombres de leur maison et ne s’orientent pas vers les structures d’accueil mises en place. Cet après-midi, rue du Vélodrome, ils étaient nombreux à ignorer que Michèle Alliot-Marie, la ministre de l’Intérieur, avait débloqué une première aide d’urgence. «Ils auront l’argent versé automatiquement sur leur compte d’ici à la fin de la semaine » promet la préfecture. «150 euros par adulte, juste de quoi acheter de la nourriture... »
Traumatisés, les habitants se remémorent les trois minutes de cauchemar dimanche soir. «J’ai d’abord cru que c’était une petite tempête, comme d’habitude. Mais quand j’ai vu des vis qui passaient à travers la pièce, les vis de l’encadrement de la fenêtre, j’ai pris mon petit frère et on s’est réfugié dans la chambre de derrière», raconte Julien Lenoir en posant sa main sur sa voiture, cabossée, vitres brisées, le tableau de bord jonché de feuilles et de terre. Une mini-tornade a ravagé, dans la nuit de dimanche à lundi, un quart de la ville d’Hautmont, près de Maubeuge (Nord), tuant trois personnes et blessant neuf autres dont deux grièvement.
Pillages. L’adjoint au maire, chargé des travaux, et sa femme sont morts dans les décombres de leur maison. Il ne reste qu’un pan de mur debout. Celui des toilettes, au premier étage. Une vieille dame, qui vivait juste derrière chez eux, a péri de la même manière. A ce bilan s’ajoute un suicide : un homme de 76 ans s’est tué avec une arme à feu «quand il a découvert que sa maison était complètement détruite», raconte Stéphane Wilmotte, conseiller municipal. Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, sur place hier, a annoncé une aide d’urgence de 300 000 euros, ainsi qu’un déploiement massif de psychologues. Car l’inquiétude va désormais vers les habitants qui rentrent en hâte de leurs lieux de vacances. «Les gens vont rentrer pour découvrir qu’ils ne peuvent pas dormir chez eux, explique Stéphane Wilmotte. Nous avons prévu pour ce soir au moins 300 places d’accueil d’urgence.» Le principal bailleur social de la zone, Promocil, estime à 700 le nombre de ses logements touchés sur le parcours de la tornade, de Maubeuge à Hautmont, soit cinq kilomètres. Rien qu’à Hautmont, 500 logements sont dégradés sur 2 000, «soit 2 000 à 3 000 habitants directement concernés», dit l’élu.
A l’épicentre de la catastrophe, dans la cité des Exotiques, plus aucune des maisons HLM de la rue d’Halver n’a de façade. Les CRS patrouillent pour éviter les pillages. «C’est comme si une bombe avait explosé», lâche un badaud. «C’est à cause de la dépressurisation au centre de la tornade, en fait un appel de vide capable de souffler les murs», explique-t-on à Météo France.
«Cold Case». Mohamed Gharbi fait face à ce qui était sa maison0. Sa petite fille a été blessée au pied, il ne l’a pas revue depuis son départ à l’hôpital. «Ils l’ont recousue, cela n’a pas l’air d’être trop grave», répète-t-il. «L’armoire est tombée sur le lit de ma fille. Si elle dormait, elle était morte.» Heureusement, dans la chaleur du soir, les enfants avaient renâclé à aller se coucher. «C’était au moment du troisième épisode de Cold Case. J’ai vu les dalles de la véranda tomber, j’ai dit à ma femme, "La maison s’envole". On s’est tous réfugiés dans la salle de bains, en bas.» La tornade a duré, en tout et pour tout, trois minutes.
Stéphanie Maurice et Marie Piquemal