POLITIQUE - Martine Aubry à la tête de la «socialiste pride». La maire de Lille a conclu, hier à Paris, la rencontre des «reconstructeurs» du PS en prônant sa fierté socialiste : «Je suis fière des congés payés, de l’abolition de la peine de mort et des 35 heures… Je veux retrouver la gauche collective, créatrice, solidaire et joyeuse ; laissons de côté nos querelles dépassées !» a-t-elle lancé, sous les applaudissements de quelque 800 militants et responsables.
De quoi stabiliser ce rassemblement brinquebalant d’anciens adversaires
- amis de Laurent Fabius, de Dominique Strauss-Kahn, d’Arnaud
Montebourg et de fidèles de la maire de Lille ? Tous ensemble pour
incarner une alternative au duel entre Ségolène Royal et Bertrand
Delanoë au congrès du PS à Reims en novembre, mais chacun pour soi pour
rafler la mise et conquérir le leadership du parti. Si la journée
d’hier n’était «ni chiante ni méchante, car sur des bases politiques» ,
estimait Guillaume Bachelay, proche de Fabius, Martine Aubry a fait
exploser l’applaudimètre en taclant ses deux principaux rivaux.
Mots doux. «Nous sommes tout simplement socialistes, sans besoin d’y
ajouter d’autre qualificatif. Cela se suffit à soi-même. Ceux qui ont
honte de le dire n’ont rien à faire dans notre parti», a balancé
Martine Aubry, ciblant Bertrand Delanoë, qui se définit comme «libéral
et socialiste». Visiblement impatiente de solder l’année 2007, elle
s’est aussi payée Ségolène Royal : «Je n’ai rien dit, mais je ne me
suis pas sentie bien. On avait oublié que le politique, c’est donner
une vision, un sens et pas demander à chacun ce qu’il veut», a-t-elle
lancé, ciblant la «démocratie participative» de l’ex-candidate, tout
comme son «ordre juste» : «Il faut remettre la phrase dans le bon ordre
et dire qu’il n’y a pas d’ordre sans justice !» Arrivé dès le matin et
glissant des mots doux à l’oreille de «Martine», Laurent Fabius buvait
du petit-lait, estimant que les «reconstructeurs» sont «ce qui est
arrivé de plus nouveau au PS depuis dix ans. Le mot collectif est
important, mais pas sur n’importe quelle ligne : on nous demande d’être
authentiquement à gauche, de ne pas confondre tout et n’importe quoi».
«C’est une belle journée» , a martelé Aubry.
De fait, pour son grand retour sur la scène nationale, l’ex-numéro 2 du gouvernement Jospin s’est placée au centre de gravité de ce «mariage de la carpe et du lapin», selon le reproche de leurs adversaires . Après avoir dénoncé le «laissez faire du marché» et «la concurrence exacerbée entre les biens et les personnes», en harmonie avec les fabiusiens, elle a séduit les strauss-kahniens en reconnaissant que «le monde a changé. Nos valeurs sont les bonnes, mais nous n’avons pas travaillé. Les protections d’aujourd’hui ne sont pas celles d’hier. Il faut faire la révolution de l’Etat et des services publics».
Un véritable programme de future première secrétaire? En tout cas, une revanche pour celle qui fit longtemps office d’épouvantail avec les 35 heures, à droite et jusque dans son propre camp. L’intéressée s’attache à ne pas brûler les étapes : «Nous allons échanger, débattre. Si nous continuons comme on l’a fait aujourd’hui, ce congrès, nous le gagnerons.» «Le test, ce sera le moment de la motion, à la rentrée», précisait Claude Bartolone, qui se félicitait que «l’alternative prenne si vite».
Munie d’un réseau limité dans le parti avec son cercle, Rénover, la
maire de Lille connaît, à 58 ans, un véritable retour en grâce chez les
militants. Ses fidèles se chargent de faire monter la sauce. «Stéphane
Rozès [de l’institut CSA, ndlr] assure que les Français savent qu’elle
a fait plein de trucs bien à Lille, où elle a été réélue avec deux
tiers des voix. Elle a l’image de quelqu’un qui peut changer les
choses» , explique Jean-Marc Germain, son directeur de cabinet. «C’est
justement parce qu’elle a des réseaux limités dans le parti que c’est
une bonne candidate», rappelait un proche de DSK.
Appel. Quand l’eurodéputée Pervenche Bérès, la nouvelle maire de Reims,
Adeline Hazan, et la vice-présidente de la région Picardie Laurence
Rossignol lui ont soumis leur appel intitulé «Une autre femme est
possible», «Martine a rigolé et a dit, très mitterrandienne : "Je
n’interdis rien."», raconte cette dernière.
Matthieu Ecoiffier
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