FAITS-DIVERS - Florence Cassez, 33 ans, a été condamnée à 96 ans de prison au Mexique pour enlèvements, et devrait purger une peine de 20 ans au moins. Elle crie son innocence. Ses parents, Bernard et Charlotte Cassez, originaires de la région de Béthune, sont reçus demain matin par le président Sarkozy. Retour sur l'histoire.
Arrêtée. Tout commence le 8 décembre 2005, sur une route du Mexique, selon les témoignages des parents de Florence. Florence Cassez et son ex-compagnon, Israel Vallarta Cisneros, sont arrêtés par la police. Dans le coffre de leur voiture, les affaires de Florence. Ils se sont séparés quelques jours plus tôt, après huit mois de vie commune, il l'aidait à déménager à Mexico. La police les sépare, et explique à Florence que son ex est impliqué dans une affaire d'enlèvement. Elle passe une partie de la journée et toute la nuit dans une camionnette de police. Le lendemain, on lui demande de participer à une mise en scène : son arrestation, au petit matin, devant les caméras de télévision, dans la maison d'Israel Vallarta Cisneros, avec des kidnappés, des gens qu'elle dit n'avoir jamais vus. Opération de com de la police mexicaine, souvent accusée d'impuissance devant les enlèvements. Devant les caméras, son ex-compagnon avoue qu'il était payé pour surveiller et nourrir des personnes kidnappées. Florence dit son innocence.
Une jeune femme. Qui est Florence Cassez? Ses parents racontent une femme de 33 ans, née à Lille, qui a grandi près de Béthune, et étudié dans une école de commerce à Lille. Son père est dirigeant d'une PME textile à la retraite, et sa mère était hôtesse d'accueil dans un office notarial. Florence Cassez a dirigé des magasins de vêtements à Calais, puis est allée au Mexique travailler dans l'entreprise de son frère, qui vend des équipements de chirurgie esthétique. Elle a travaillé dans un magasin de décoration. Elle rencontre Israel Vallarta, et le présente à ses parents. Quand elle est arrêtée, elle travaille dans un grand hôtel de Mexico, «à l'étage des VIP», dit son père.
Incarcérée. Selon sa mère, Florence Cassez a été frappée par la police, parce qu'elle n'avait pas joué le jeu devant les caméras de télé. Elle est incarcérée tout de suite, elle l'est toujours. D'abord dans une pièce sans fenêtre où elle est seule «car considérée comme dangereuse», explique sa mère. Elle ne sort que la nuit, dix minutes pour fumer. «Elle n'a pas vu la lumière du jour pendant trois mois». Puis elle entre à la prison pour femmes, pendant quatre mois, isolée aussi. Les autres détenues lui en veulent : elle est accusée de kinapping, notamment d'un enfant. «C'était dur, surtout au début. Dans le fourgon vers le tribunal, elle a pris des claques, s'est fait tirer les cheveux. Un détenue a menacé de la tuer. Et puis un jour elle lui a dit «je sais que tu es une bonne fille, parce que le psy m'a dit que tu étais une bonne fille».
Au téléphone. La détenue a droit au téléphone. Elle parle à ses parents presque tous les jours. Mieux, la jeune femme crie son innocence aux médias depuis sa cellule. Le 11 février 2006, en direct, elle fait avouer au policier directeur de l'enquête, qui l'a conduite en prison, promu secrétaire d'Etat depuis, que l'arrestation télévisée était un montage. L'affaire fait du bruit.
Procès. commencé en juin 2006, son procès a duré presque deux ans, par intermittences, il s'est terminé le 27 avril, avec le verdict, en tout 96 ans de prison pour enlèvement, association de malfaiteur, détention d'armes. Un procès «inéquitable», selon me Franck Berton, son avocat lillois. «La présidente du tribunal était le plus souvent absente. Une audience sans magistrat. Il est possible que ça convienne aux Mexicains, mais nous, ça ne nous convient pas». Jacques-Yves Tapon, journaliste à France Bleu Nord, a suivi trois jours de procès au Mexique. Il décrit les audiences comme «des rencontres informelles, plus que des audiences. il faut imaginer un couloir, dans une prison». Florence Cassez fait appel. Et demande un procès «équitable».
Innocente ou coupable? Pour la presse et les autorités mexicaines, Florence Cassez est coupable. Elle crie son innocence depuis le début. Selon son avocat mexicain, Me Horacio Garcia, plusieurs éléments plaident pour sa libération : un des kidnappés dit ne pas la connaître. Un autre a déclaré qu"une lésion à son doigt était due à une piqûre d'anesthésique qu'elle lui aurait faite, dans le but de lui couper le doigt. Un médecin légiste a déclaré que cette lésion ne pouvait provenir d'une piqûre. Deux autres ont d'abord dit qu'ils ne l'avaient jamais vue, puis, quelques mois plus tard, disent la reconnaître, à ses cheveux et à ses mains. «S'il a reconnu ses mains, pourquoi n'a-t-il pas parlé de ses taches de rousseur? Elle en est couverte», dit son père. Selon Florence Cassez, ce retournement de témoin serait en représailles à son intervention télévisée qui a confondu le secrétaire d'Etat. Enfin, Israel Vallarta, qui a a d'abord avoué en mettant Florence hors de cause, est lui aussi revenu sur ses déclarations, et a cessé de parler. Mais n'a jamais mis en cause la jeune femme.
H.S.