FOOT - Le tollé autour de la banderole «anti-Ch’tis» du PSG masque les nombreuses banderoles insultantes et communes des supporteurs. Et surtout des propos et agressions racistes bien plus graves, dont la dénonciation se fait plus discrète.
Que s’est-il passé de plus grave samedi soir à l’occasion ou en marge de la finale de la Coupe de la Ligue entre le Paris Saint-Germain et Lens, au Stade de France ? La désormais fameuse banderole : «Pédophiles, chômeurs, consanguins : bienvenue chez les Ch’tis» ? Où les agressions racistes et les jets de bière dont ont été victimes, à la station Saint-Michel, des passagers noirs du RER de la part de supporteurs du PSG qui poussaient des cris de singe ?
«Estafette». Ces derniers incidents, autrement moins médiatisés, n’ont pas fait réagir Frédéric Thiriez, président de la Ligue, dont on retiendra le grand-guignolesque : «Nous sommes tous des Ch’tis», à l’unisson du concert de protestation qui a accueilli la «banderole de la honte». Thiriez était-il tout chafouin que des ultras du PSG lui cochonnent sa finale de Coupe de la Ligue à laquelle assistait un aréopage de personnalités politiques, ou a-t-il découvert (ou feint de découvrir) à cette occasion «l’élégance» de certains supporteurs. A moins que le président de la Ligue n’ait pas mis les pieds dans un stade depuis longtemps.
Serait-il allé à Gerland, à Lyon, le 26 août, pour le derby contre les Verts, qu’il aurait eu l’occasion de lire «Stéphanois ordures consanguines!», sur une banderole rapidement enlevée par les stadiers.
Lors des derbys en général, lors de ceux entre Lyon et Saint-Etienne en particulier, les échanges par banderoles interposées volent rarement au-dessus des gradins du bas. En 2000, l’une d’elle avait profondément choqué à Saint-Etienne. Déployée à Gerland, elle touchait au cœur de la rivalité entre les deux villes. «Nos ancêtres inventaient le cinéma quand vos pères crevaient dans la mine.» Le maire de Saint-Etienne avait exigé des excuses de Jean-Michel Aulas, président de l’OL. Certains supporteurs des Verts avaient réagi avec dignité au match suivant : «Fiers d’être fils de mineurs.» D’autres s’en étaient pris aux mères adverses: «Pendant que vos pères inventaient le cinéma, les nôtres niquaient vos mères.» La réponse était venue des années plus tard, alors que de nombreuses prostituées avaient été délogées du quartier Perrache, où arrivent les trains en provenance de Saint-Etienne : «Evacuation des estafettes : vos mères nous manquent déjà.»
Ces derniers temps, les rivalités ont tendance à se calmer. Le dernier scandale était venu du stade Geoffroy-Guichard, où d’immenses pancartes avaient été brandies à la mi-temps, il y a deux saisons. L’une d’elles annonçait «La chasse est ouverte», et d’autres représentaient des animaux aux couleurs de l’OL, avec les noms des joueurs. Sur une dernière pancarte, Jean-Michel Aulas, président de l’OL, subissait les assauts d’un gorille habillé aux couleurs des Verts. Michel Platini s’était alors étonné que la partie ne soit pas interrompue.
Clichés. A Marseille, pas de slogans ou de bannières racistes : c’est la fierté du Vélodrome, où flotte le drapeau du Che. En revanche, ça dérape parfois du côté homophobe. On a pu lire sur une banderole au Vélodrome: «PSG: Pédo Sado Gay» On peut aussi entendre ces chants : «Et [les Lyonnais, les Parisiens, etc.], c’est des pédés !» Les supporteurs de l’OM objecteront que ce ne sont que «des paroles verbales», que ça ne vise pas les homosexuels, il n’empêche : les mots sont là. Il y a une variante : «Tuez-les ! Tuez-les !» En 1999, elle a valu à un responsable des Yankees une condamnation en correctionnelle à six mois de prison avec sursis, et six mois d’interdiction de stade, pour provocation à la haine et à la violence. On entend aussi des chansons paillardes, à destination du gardien adverse : «Ta femme est avec nous/et elle nous suce le bout!» Quand les supporteurs l’ont chantée à Robert Louis-Dreyfus, l’actionnaire majoritaire, il a moyennement apprécié. Malgré cela, la sortie au Vélodrome reste une activité familiale et bon enfant, dénuée de tension. CRS et gendarmes mobiles sont présents, mais peu visibles. On peut y amener ses enfants sans crainte. Ils vont juste apprendre un bon paquet de grossièretés.
En mai 2005, au stade Bonnal de Sochaux, les supporteurs doubistes accueillaient les Strasbourgeois, qui venaient de gagner la Coupe de la Ligue, par cette banderole : «La Coupe de la Ligue n’est plus en France.» «On pensait qu’ils allaient nous chambrer, c’était de la contre-attaque préventive», se défendirent en substance les Sochaliens. Quant aux clichés sur les Ch’tis, ils ne sont pas apparus au Stade de France. «T’es chômeurs, tu pues, tu bois, t’es un supporteur lensois (ou lillois, selon les versions)», a-t-on pu déjà entendre. Ou quand des supporteurs ch’tis s’adressent à d’autres supporteurs ch’tis.
Gilles Dhers avec Olivier Bertrand (à Lyon) et Michel Henry (à Marseille)