ÉDUCATION- ACTUALISÉ LE 27/03 «Sans budget, pas de stage. Sans stage, pas de diplôme». Cet après-midi, à Lille, les banderoles de la manif' des étudiants en travail social sont lapidaires, mais exactes. Ils étaient 350, selon la police, à s'être réunis devant la porte de Paris. Les étudiants payent le retour de bâton d'une bonne idée, en soi. La gratification (pas rémunération, attention, les cotisations sociales ne sont pas comprises) des stages de plus de trois mois, instaurée par un récent décret, le 31 janvier 2008. Depuis, plus de moyen de dénicher un stage dans le secteur associatif, qui n'a pas le budget nécessaire. Et sans ces stages, les futurs éducateurs spécialisés, assistantes sociales et autres professionnels du social ne peuvent valider leur année d'étude.
C'est une tradition, dans ce secteur : les formations se déroulent avec une alternance de semaines à l'école et de temps longs passés en stage. A titre d'exemple, pendant les trois ans nécessaires pour décrocher le diplôme d'éducateur spécialisé, il faut accumuler 60 semaines de stage, dans des structures différentes. Devant la pénurie actuelle, les étudiants angoissent : "C'est vrai que la gratification des stages était une revendication, et, on le reconnaît, c'est un progrès", explique Violaine, l'une des porte-paroles du mouvement, en première année d'éducateur spécialisé. "Mais le décret n'a pas été assez réfléchi, on n'a pas consulté les employeurs, majoritairement associatifs, et financés le plus souvent par les collectivités territoriales." A l'heure actuelle, les associations n'ont pas anticipé cette nouvelle règle et n'ont pas assez d'argent pour payer leurs stagiaires. Ce que craignaient une majorité des enseignants des IRTS (Instituts régionaux du travail social) avant la parution du décret. Pour Violaine, il y aurait un conflit larvé entre les conseils régionaux et l'Etat. "Xavier Bertrand voudrait partager la facture de ce décret avec eux", note-t-elle.
Pour le ministère du Travail, la pénurie n'a pas de raisons d'être : Les circulaires sont claires, "les DDASS devront s'assurer que les établissements ne sont pas en situation de devoir renoncer à accueillir un stagiaire en raison d'impératifs financiers". Elles peuvent même débloquer des enveloppes, pour un soutien ponctuel, d'après le ministère. Mais en règle générale, ces dépenses obligatoires doivent être incluses dans les renégociations de budgets... que financent, en grande part, les collectivités territoriales. Le ministère insiste lourdement sur la faiblesse des sommes engagées, "le prétexte est un peu trop facile", dit-il, pour attaquer le gouvernement.
Les étudiants notent aussi les inégalités de ce décret : dans la fonction publique, les stages restent gratuits. "De toutes mes demandes de stage, il n'y a qu'une structure qui m'a rappelé, et elle était publique", insiste Violaine. Pour réinstaurer une égalité de traitement, ils demandent à ce qu'un fonds soit versé à leurs écoles, pour le paiement de ces gratifications. Violaine explique : "De cette manière, nous ne changeons pas le rapport stagiaire-employeur, car si l'employeur nous paie, il va être tenté de nous en demander plus. Il y a un risque de légitimation des abus, que nous devenions des sous-salariés."
S.M.