MUNICIPALES- A Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais, les numéros deux des listes mènent le bal de la municipale. Un face-à-face entre deux femmes : Marine Le Pen, vice-présidente du Front national, et Marie-Noëlle Lienemann, conseillère régionale Nord-Pas-de-Calais, parachutée en numéro deux sur la liste du maire (PS) sortant, Gérard Dalongeville, pour éviter que la ville tombe dans l’escarcelle du FN le 16 mars.
Pour la conquérir, la formation d’extrême droite met le paquet. Chaque semaine, les 60 militants frontistes de la ville viennent récupérer un nouveau tract - sans la flamme tricolore ni aucune mention du FN - déposé dans des casiers à leur nom pour le distribuer aux 26 000 habitants d’Hénin-Beaumont. Aux dernières législatives, Marine Le Pen avait réalisé le meilleur score du FN avec 42 % des voix dans cette circonscription traditionnellement à gauche. De quoi donner des ailes à Steeve Briois, le candidat à la mairie, qui, depuis plus de quinze ans, laboure méticuleusement le terrain.
Hier matin, sur le marché, caméras et appareils photos s’attachent aux basques de la vice-présidente du FN, paquets de tracts sous le bras. Steeve Briois se laisse ravir la vedette : «Mon implantation locale et l’aura nationale de Marine Le Pen, tout cela forme un tout très complémentaire.» Le Pen, qui ne brigue qu’un poste d’adjoint chargé de la sécurité, entend «réussir à démontrer la capacité du FN à gérer efficacement une ville» et parvenir aussi à réorienter la stratégie de son parti. Selon elle, le FN a trop longtemps négligé «de cultiver son implantation locale».
Dissident. A Hénin-Beaumont, le FN joue sur du velours. La mauvaise gestion financière de Dalongeville est pointée du doigt de toutes parts. Y compris, un temps, par sa colistière Marie-Noëlle Lienemann qui joue maintenant l’apaisement. «Je suis venue ici pour fédérer la gauche sans l’ambition d’être maire, pour que le PS et la gauche redeviennent des forces dynamiques afin de faire barrage au FN. Si tout baignait dans l’huile, on ne m’aurait pas demandé de venir», assure l’ancienne ministre de Mitterrand et de Jospin. Mission accomplie en partie seulement, puisque les Verts ont décliné, pour le moment, l’offre d’union. Les bisbilles à gauche enchantent Le Pen : «Marie-Noëlle Lienemann n’est pas connue ici. Elle ne fait pas taire les critiques à l’égard du maire et n’apporte aucune voix en plus à la gauche.» En plus, une liste dissidente menée par Daniel Duquenne, ancien secrétaire de la section socialiste de la ville, a vu le jour. «Dalongeville a obtenu l’investiture du PS pour des raisons d’appareil alors que sa gestion a été catastrophique. Pendant trois ans, de 2003 à 2006, la chambre régionale des comptes a contrôlé toute la gestion de la ville», explique Daniel Duquenne, qui menace de se maintenir au second tour s’il dépasse la barre des 10 % des suffrages. Tout en laissant une porte ouverte à d’éventuelles alliances avec les colistiers du maire sortant. «Je suis prêt à faire l’union avec tous les républicains. A l’exception de Dalongeville et du FN» , explique ce candidat qui se défend de jouer la politique du pire et de favoriser une possible victoire du FN à la faveur d’une triangulaire. Pour lui, «c’est au PS et à la gauche de prendre leurs responsabilités. Ils peuvent très bien imposer à Dalongeville de se retirer». Il a même proposé à Marie-Noëlle Lienemann de prendre la tête d’une liste à laquelle il se serait rallié.
Quadrangulaire. Le candidat UMP, Laurent Bocquet, ancien escrimeur de haut niveau, espère également améliorer le score de la droite dans la ville et figurer lui aussi au second tour. Tout en précisant qu’il est prêt «à ouvrir [sa] liste à des gens compétents et honnêtes». En attendant, le FN se frotte les mains en espérant une triangulaire, voire une quadrangulaire, qui lui ouvrirait grand les portes de la mairie.
Christophe Forcari