Comparateur de rachat de crédit

RC Lens : retour aux sources avec le «Druide» Leclercq


FOOT- Autant le dire tout de suite, Jean-Pierre Papin n’aura pas la vie facile. L’actuel (?) entraîneur lensois doit le savoir : il a choisi de ne pas commenter la nomination, hier, de Daniel Leclercq au poste de directeur technique du club artésien, dernier avatar en date d’une histoire qui remonte au fabuleux coup marketing (on n’a pas parlé de sport) que fut la nomination de Guy Roux comme coach en juin dernier.

Le Racing Club de Lens est un club malade, déliquescent (18e de Ligue 1), en crise identitaire depuis que son fastueux budget de fonctionnement (1) a relativisé le folklore ch’ti - les lampes de mineurs, les terrils, toute cette imagerie - qui s’attachait aux circonvolutions des joueurs. Lesquels joueurs se font aujourd’hui dauber en off par certains cadres techniques du club, ce qui n’arrange par leur cas : la dizaine d’internationaux qui crapahutent sous le maillot Sang et Or méritent objectivement mieux que les tréfonds de la Ligue 1.

Miroir. La nomination de Daniel Leclercq, alias «le Druide» (pour la galerie), alias «le Grand Daniel» (pour ses joueurs), est donc une sorte de baroud livré par le président du RC Lens, le miroir de son désarroi, la dernière carte d’un Gervais Martel qui s’en remet, pour le coup, à la mystique : le natif de Trith-Saint-Léger (Nord) est la figure tutélaire du foot nordiste, une statue du Commandeur que les clubs en détresse réactivent à intervalles réguliers.

Après une carrière de joueur déroulée pour l’essentiel à Lens, Leclercq se retrouva à la fin des années 80 à tirer des demis dans son bar le Score - encore que tout le monde disait «chez Deroder», du nom de l’ancien proprio - en face du stade Nungesser, à Valenciennes. Aussi brillant que fut le (pied gauche du) footballeur, le mythe Leclercq partit un peu de là. Il sut l’entretenir : repêché par les cheveux par Martel en 1992 et intégré au staff lensois, il a, quand l’équipe première lui fut confiée en 1997, sanctionné d’amendes carabinés les joueurs qui avaient le malheur de ne pas saluer l’employé chargé de leur ouvrir le parking.

Les anecdotes fourmillent. Un jour, il décide de se mêler au public pour suivre un match de ses hommes. Un autre, il quitte un entraînement sous le motif que ses joueurs «ont envie de ne rien foutre». Ceux-ci terminent alors leur entraînement comme ils peuvent et ont la surprise, le lendemain, d’apprendre que le moindre de leur fait ou geste a été observé : après son départ, «le Grand Daniel» s’était en vérité caché dans une casemate d’où il avait tout vu, tout décortiqué.

Champion de France - et de la méthode Coué, tant il transcenda son effectif dans des proportions incroyables - en 1998 avec le RC Lens, il fut viré seize mois plus tard. Avant de se retrouver (en 2003) à l’origine de la folle embardée valenciennoise, qui court encore. Malgré une promotion en Ligue 2 en 2005 avec le club nordiste, Leclercq fut encore viré. Et pas par n’importe qui : c’est l’actuel ministre de l’Environnement et du Développement durable (et homme lige de tout ce qui se passe au club de Valenciennes) Jean-Louis Borloo en personne qui prit cette décision, histoire de ne pas laisser cet homme bigger than life tout dévorer.

Esprit farouche. Daniel Leclercq est un homme à part. La terre entière dispose de son numéro de portable. Adoré par des joueurs qui lui reconnaissent même parfois des vertus démiurgiques, il est aussi enclin à adopter des postures - qu’il voudrait héroïques - où une indépendance d’esprit farouche le dispute à un ego gigantesque. Un observateur : «Il fout toujours le bordel. Que l’équipe gagne ou pas, d’ailleurs.» Un joueur : «Tout du long, il m’a appelé "le petit con". "Le petit con" par-ci, "le petit con par-là". Un grand Monsieur. Sans lui, je ne serai jamais devenu un joueur de Ligue 1.» Le défenseur valenciennois Eric Chelle : «J’avais peur de lui, je n’étais pas le seul, on se faisait déchirer quand on oubliait de dire bonjour. Mais il a été témoin à mon mariage. Le foot nordiste, c’est un peu lui.»

Hier, le Racing club de Lens s’est offert un totem. Daniel Leclercq attendait ça depuis longtemps, et n’en faisait pas mystère. Dans le quotidien sportif L’Equipe, il a montré patte blanche : «Je ne suis pas un mercenaire, je ne viens pas pour remplacer Jean-Pierre (Papin). Mais cette situation me dérange par rapport à lui. Pour Jean-Pierre, la pression est forte.» C’est bien le moins qu’il puisse en dire.

Grégory Schneider

(1) 45 millions d’euros de budget prévisionnel annoncé.