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Un Lillois condamné à mort par contumace en Algérie


JUSTICE - Au début, il s'attendait à un non-lieu. Coupable idéal, parfait pour boucler une affaire qui traîne depuis trop longtemps, Mohamed Bilem, 40 ans, lillois depuis toujours, était accusé en 2000 d'attentat en Algérie sur la foi d'une instruction rocambolesque. Un général, qui a survécu un attentat en 93  l'avait dans un premier temps reconnu comme étant l'homme qui avait tiré sur lui, puis avait fini par déclarer qu'il n'en savait rien. Après moult reports, l'affaire vient d'être jugée en Algérie. Verdict, le 25 novembre, contre toute attente : la mort .Par contumace, car Mohamed Bilem, qui a été hospitalisé tout l'été, n'était pas en état de voyager. A Lille, la famille Bilem n'en revient pas. Sa soeur, Fadila Bilem, soupire : «Même si on sait qu'il est innocent, et qu'il ne sera jamais extradé, comment vivre avec ça?»

Menottes. Tout commence en octobre 2000. Mohamed Bilem débarque en Algérie avec son frère et sa mère, pour quelques semaines. Il parle très peu l'arabe, ne connaît pas le pays. Il est menotté à la descente du bateau. On lui reproche un attentat commis en octobre 94. Mais il a un alibi en béton : à l'époque, il était en prison en Espagne, pour avoir vendu du cannabis. Alors les policiers lui parlent d'une autre affaire : un attentat contre un général en avril 93 à Rouiba, dans la banlieue d'Alger. Là, Mohamed Bilem est en France, mais n'exerce pas de travail salarié, il est incapable de prouver qu'il est à Lille, sauf à produire des témoignages d'amis, et à rappeler que son premier visa d'entrée en Algérie date de 2000.

Photomaton. En face, le seul début d'indice contre lui, c'est une photo : un photomaton pris à 17 ans avec son cousin Omar Chergui, dans le hall de la gare de Lille-Flandres. Le cousin d'Algérie était en visite, ils ont pris une photo-souvenir. Des années plus tard, le même Omar -avec qui la famille Bilem n'a plus de contact- prend le maquis, avec le FIS. Sa maison est perquisitionnée, la photo découverte, un membre de la famille sur place identifie le cousin lillois.

A l'époque, Mohamed Bilem n'en sait rien. C'est même pour ça qu'il débarque à Alger sans méfiance. Des témoins l'identifient formellement... mais reconnaissent tous que le tireur était plus petit, moins corpulent. Le général aussi le reconnaît, mais avec les mêmes réserves sur le gabarit. A Lille, sa famille alerte la presse, Amnesty international. Lui est incarcéré en préventive. Sept mois en  cellule avec 18 islamistes. Le général finit par reconnaître qu'il ne sait pas qui a tiré sur lui.

Parano. A force de rafut, Mohamed Bilem est libéré par les Algériens, rentre en France en attente de procès. Il revient sur chaise roulante, amaigri, il est opéré d'urgence d'une péritonite à son arrivée. En prison, il a développé la maladie de Crohn, mortelle si elle n'est pas soignée. Depuis, Mohamed Bilem se remet doucement. Il est devenu chauffeur de poids lourds.

«Quand on a appris la nouvelle, on a eu peur. On croyait qu'ils allaient venir le chercher. Et puis notre avocat nous a dit qu'il ne serait pas extradé. Mais on a peur d'être associé à des terroristes, peur que Mohamed perde son boulot. Et puis on devient parano. On se dit, "si les services secrets venaient l'abattre ici, comme dans les films?"». Et puis même s'il ne risquait rien, «ne rien dire, c'est accepter qu'il soit coupable.»

Haydée Sabéran