JUSTICE - Inès El Abdi, écolière, sa mère Nacera Nouichi, chargée de communication à Roubaix, Déborah Régnier, employée au centre régional du tourisme à Lille et son compagnon, Nicolas Szvgajew, géomètre, sont morts dans l’incendie criminel de l’appartement de Nacera, boulevard Jean-Lebas, à Roubaix, pendant les émeutes de novembre 2005. Déborah a sauté du troisième étage pour éviter les flammes, et a été tuée dans sa chute. JUSTICE - Inès El Abdi, écolière, sa mère Nacera Nouichi, chargée de communication à Roubaix, Déborah Régnier, employée au centre régional du tourisme à Lille et son compagnon, Nicolas Szvgajew, géomètre, sont morts dans l’incendie criminel de l’appartement de Nacera, boulevard Jean-Lebas, à Roubaix, pendant les émeutes de novembre 2005. Déborah a sauté du troisième étage pour éviter les flammes, et
Cédric Vanneste, 18 ans au moment des faits, avait mis le feu à un canapé en mousse qui traînait au rez-de-chaussée l’immeuble, une vieille maison de maître transformée en appartements. Le feu a pris à tout l’immeuble. Ce soir-là, Cédric errait avec Sébastien Calesse et Marvin Dez, 18 ans eux aussi, à la recherche de shit. Arrêté six semaines plus tard, Cédric a expliqué aux policiers qu’il y avait «des incendies à l’époque dans les banlieues. Je voulais faire pareil pour emmerder les gens». Devant la cour d’assises de Douai, qui le juge depuis le début de la semaine, il explique : «Je ne peux pas vous dire exactement pourquoi j’ai fait ça.» La présidente : «Vous vouliez exprimer une colère ?» Lui : «Non, non.» Il risque la perpétuité, les deux autres, cinq ans.
Canapé. C’était le 9 novembre 2005. A Roubaix, les émeutes urbaines se calmaient. Sept véhicules et neuf poubelles brûlés ce soir-là. Dans les cinq jours précédents, les pompiers étaient intervenus 300 fois.
Début de soirée. Dans leur foyer Cédric Vanneste et Marvin Dez boivent, vodka-Fanta. Ils vont chercher Sébastien Calesse dans un autre foyer. Sébastien connaît Marvin, qui lui présente Cédric. Ils ont un plan shit rue de l’Alouette. Rue de l’Alouette, personne. Ils marchent boulevard Lebas vers la gare, pour prendre le métro, et rentrer. Ils avisent la porte entrouverte d’une maison. Au rez-de-chaussée, une agence d’intérim Adecco. «On voulait voler des ordinateurs.» Mais c’est un couloir ordinaire, et des appartements à l’étage. Rien à voler. Marvin et Sébastien ressortent, Cédric retourne dans l’immeuble, «pour pisser». Il met le feu à un canapé en mousse qui gît là. Il s’y reprend plusieurs fois. «Ça a fait des petites bulles, et des flammes bleues», raconte-t-il. Il rejoint les deux autres. Raconte qu’il a mis le feu. Sébastien fait quelques pas pour voir si ça brûle. Il n’y croit pas trop, sur le coup. Cédric : «T’inquiète, c’est un petit feu».
Le feu couve, le matelas en brûlant produit des gaz inflammables, du cyanure et du monoxyde de carbone. Six cents degrés, un appel d’air, le troisième étage et les combles s’embrasent. Trois personnes ont eu le temps de s’enfuir par les toits. Les pompiers arrivent juste après le premier appel. «Il n’y avait pas d’autre feu à Roubaix à cet instant-là.» Alors qu’ils errent encore dans la ville, Sébastien voit les pompiers, les badauds, de loin. «C’est là que j’ai pris conscience de la gravité.» Plus tard, Cédric et Marvin reviennent sur place. Au milieu des badauds, un corps sous un drap blanc. Cédric est secoué d’un «rire nerveux». Le soir, Sébastien allume la télé, quatre morts. «Je connaissais une femme qui s’appelait Nacera. Je l’ai rencontrée à la mission locale, elle m’avait aidé.» C’était elle.
Agité. Sébastien Calesse n’a jamais connu son père. Il avait 5 ans quand il a vu mourir sa mère d’une surdose de médicaments. Son oncle l’a élevé. Quand il a eu 13 ans, l’oncle l’a déposé devant le commissariat de Roubaix. Les deux parents de Marvin Dez étaient toxicomanes. Le père de Cédric Vanneste est alcoolique, et a très peu connu son fils. Quand Cédric avait 13 ans, sa mère a renoncé à s’en occuper. Trop agité, trop violent. Le père n’en a pas voulu. «Un enfant de cet âge, c’est de l’entretien.» Il est policier au commissariat de Roubaix. Verdict vendredi.
Haydée Sabéran, à Douai
Photo/Cédric Dhalluin : Me Fatima En-Nih à la porte de la cour d'assises de Douai, avec la famille de Nacera Nouichi et de sa fille Ines, disparues dans l'incendie criminel de Roubaix.