POLITIQUE - «Je suis mort de rire». C'est Steeve Briois, tête de liste Front national aux municipales aux côtés de Marine Le Pen à Hénin-Beaumont, qui le dit. Ce n'est pas un boulevard, mais une autoroute, à trois voies, que la gauche est en train d'offrir au Front national à force de s'entre-déchirer dans la ville du Pas-de-Calais. Trois listes, rien que chez les candidats qui se réclament du parti socialiste, ça fait désordre. Ce soir à 19h, le conseil fédéral socialiste du Pas-de-Calais tente de clarifier tout ça.
La gauche au pouvoir à Hénin-Beaumont, longue histoire, de croche-pattes et d'interminables rancunes. Elle commence au mandat précédent, 2001, quand le maire de l'époque, le socialiste Pierre Darchicourt, voit son chef de cabinet lui filer sous le nez. L'homme s'appelle Gérard Dalongeville, trouve la gestion de son patron calamiteuse, et décide de se présenter contre lui. Il gagne, à la faveur d'une triangulaire, face à l'ancien maire PS, et au Front national Steeve Briois, déjà lui.
Le candidat FN, présent sur le terrain, cultive une image de garçon serviable, en même temps qu'il exploite les faits-divers pour pointer «l'insécurité», et les fermetures d'usine (Metaleurop, Sublistatic, Samsonite). Et il boit du petit lait. Pendant qu'elles se déchirent, les listes de gauche assurent chacune être la seule à pouvoir faire barrage au FN.
En 2007, le nouveau maire ne fait pas l'unanimité. A force d'embauches, il a creusé le déficit de la ville, est s'est vu contraint, par la chambre régionale des comptes, d'augmenter d'un coup les impôts de 85%. Il a été exclu du Parti socialiste quand il s'est présenté contre son ancien maire, mais a créé une section «radicale socialiste», qu'il a affiliée au PS. Le local de ses partisans affiche en toutes lettres "Parti socialiste" et arbore le poing et la rose.
L'arroseur devient l'arrosé, quand son ancien directeur général des services, Daniel Duquenne, secrétaire de la section socialiste locale, lance contre lui un «Front républicain», une liste aux municipales de 2008. Mais comme rien n'est simple, la section socialiste officieuse a pignon sur rue, la section officielle du PS n'a pas de local officiel. Il en a été exclue après les législatives, en gros pour être parti en campagne trop tôt. Il fait alliance avec l'UMP et il se dit prêt à faire alliance avec tout le monde sauf Dalongeville, pour battre le FN. «La faute que j'attendais pour en tirer les conséquences», réagit Serge Janquin secrétaire fédéral. Dans quelques heures, ce 8 octobre, la section socialiste pourrait être dissoute.
Troisième liste en présence, celle du «Club des cinq» comme l'appelle La Voix du Nord, emmenée par une alliance entre les communistes et le Mouvement des jeunes socialistes, auxquels s'ajoutent des chevènementistes, les radicaux de gauche, et les Verts. Le patron du MJS local, Pierre Ferrari, assure qu'il est prêt à faire alliance au premier ou au deuxième tour, avec Gérard Dalongeville -le maire actuel- contre le FN. Un Vert dissident, ancien conseiller régional, a également présenté une liste.
Le frontiste Steeve Briois n'a pas fini de rire. Il y a quelques années, il a révélé que Gérard Dalongeville, à l'époque encore chef de cabinet de l'ancien maire, lui avait fixé un rendez-vous secret, sur le parking du supermarché Babou, pour convenir avec lui d'un pacte de non-agression. Ce que le maire conteste, sans avoir porté l'affaire en justice pour diffamation. Et il y a quelques semaines, des employés municipaux ont été surpris fouillant des les papiers du local des jeunes socialistes après en avoir forcé la porte, pour ce qu'il est désormais convenu d'appeler le mini Hénin-gate, ou Water-Beaumont. Où il est permis de penser que Marine Le Pen n'a pas choisi Hénin-Beaumont par hasard.
H.S.